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APPENDICE. — N° VIII.

au lieu de désir. Lorsque l’homme prédestiné à l’une des deux destinées supérieures dont il a été parlé, devient Buddha, le Lalita vistara le désigne par cette épithète vântatchhandarâga, qui signifie littéralement, « celui qui a vomi tout désir et toute passion. » Cette image un peu crue, mais familière aux Indiens, a laissé sa trace dans la rédaction pâlie ; toutefois elle s’y est transformée d’une manière bizarre : les termes que j’ai traduits par « n’ayant que du dégoût pour le monde, » lôkê vivattatcKhaddô, signifient mot pour mot, « cHî vomitas excitas erga ninndam. » Ici encore, il semble que la version pâlie résulte du texte sanscrit, ou mal lu, ou bouleversé dans ses termes : de vanta vient vivdtta ; de tchhanda, tchhadda ; et peut-être lôhé n’est-il que la transformation de râga. Le sens qui résulte de cette nouvelle rédaction du texte n’est pas fort éloigné de celui que donne la version sanscrite ; mais il en diffère en ce qu’il est obtenu d’une manière indirecte et au moyen d’une expression tourmentée, tandis que ïa version du Lalita vistara est aussi simple pour le fond que pour la forme. Il se peut qu’ici encore on doive recourir à une cause première aussi peu importante que la figure des lettres. Le double dda et le rida se ressemblent considérablement dans l’écriture singhaiaise ; on en doit dire autant du double tta et du nia. Il ne serait donc pas impossible que la rédaction du texte pâli, tel que nous le possédons actuellement, n’eût eu lieu que postérieurement à l’arrivée des écritures canoniques à Ceylan, et que consignée d’abord dans un caractère bien moins arrêté que le sanscrif de nos jours, elle eût subi plus lard, par le fait des copistes ou des lecteurs, les modifications que je crois pouvoir rapporter à la confusion de quelques signes plutôt qu’à la différence des écoles.


SECTION II.
DES QUATRE-VINGTS SIGNES SECONDAIRES.

Outre les trente-deux Lakchanas ou signes caractéristiques d’un grand homme dont on vient de voir les nobles effets, les Buddhistes connaissent encore quatre-vingts signes secondaires dits Anuvyanfijana ou marques de beauté, auxquels j’ai déjà fait plus d’une allusion, et qu’il nous faut examiner pour avoir une idée complète du type de perfection physique qu’ils cherchent dans leur sage ou dans les fabuleux monarques nommés « Rois « qui font tourner la roue. » J’en connais jusqu’ici quatre listes puisées à quatre sources diverses : la première est donnée par le Lalita vistara, à la suite des trente-deux signes dits Lcdîclmnas ; la seconde forme la section quatrième du Vocabulaire pentaglotte ; la troisième a été publiée par M. Hodgson, d’après le Dharma saggraJia ; la quatrième et dernière est empruntée ati Dharma pradipikâ singhalais[1]. Lès trois premières sont rédigées en sanscrit, la dernière l’est en pâli ; c’est la seule de ce genre, que j’aie rencontrée jusqu’ici, car à la différence des trente-deux Ldkchanas, les quatre-vingts signes secondaires ne se trouvent ni dans le Lakkhana sutta ni dans le Mahâpadhâna sutta pâlis. Comme les

  1. Lalita vistara, f. 61 b du manuscrit A ; f. 58 b, man. Soc. asiat. comparé au Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 108 ; Hodgson, Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. V, p.91 ; Journ. as. Soc. of Great-Britain, t. II, p. 315 ; Dharma pradîpikâ, f. 7 b ; Vocabul. pentagl. sect. iv ; A. Rémusat, Mélanges asiat. t. I, p. 170 et suiv.