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CHAPITRE III.

CHAPITRE III.

f. 35 b.J’éprouve de la satisfaction.] Le mot de satisfaction n’est peut-être pas ici la traduction exacte de âudvilya, puisque Çâriputtra exprime quelques lignes plus bas son profond chagrin. Ce serait plutôt curiosité ou même trouble qu’il faudrait dire. Voyez ci-dessus chap. i, f. 4 b, p. 308.

f. 36 a.Je me retrouve toujours avec cette même pensée.] Je traduis ainsi les mots anênâiva vihârêna viharâmi, d’après la paraphrase poétique dont le texte en prose est suivi, et notamment d’après la stance 3. L’interprétation littérale serait, « je réside toujours dans cette résidence ou dans ce Vihâra ; » mais on comprend sans peine que cette expression puisse recevoir au figuré le sens que je lui attribue.

Dans le domaine de lois semblables à nous.] J’ai traduit aussi littéralement que j’ai pu ce texte obscur tulyanâma dharmadhâtu pravêçê, et je l’ai compris comme si le disciple de Bhagavat voulait dire qu’en les introduisant dans une loi qui est de même nature qu’eux, qui n’est pas plus élevée qu’eux, le Buddha s’est servi d’un véhicule misérable pour les transporter hors du monde, ou même plutôt pour les exclure de la possession d’une loi supérieure. L’examen de la version tibétaine ne paraît cependant pas justifier cette interprétation du mot tulya. Si je ne me trompe pas en effet sur le sens de ces termes tchhos-kyi dbyings-la hdjug-pa mtshungs-na, ils signifient « dans une égale introduction au domaine de la loi. » Il résulterait de cette version que tulyanâma ne se rapporterait pas à dharmadhâtu, comme on est naturellement conduit à le penser, mais à pravêçê. Dans cette supposition, on devrait traduire, « en nous introduisant également [tous] dans le domaine de la loi. » Il se présente cependant encore une troisième interprétation qui est un peu différente de celle de la version tibétaine, si tant est que je la comprenne bien. Cette interprétation repose sur le sens purement métaphysique de tulya, qui comme sama, « semblable, » est une épithète très-fréquemment jointe au mot dharma, « loi, condition, être. » Ainsi on rencontre à tout instant cette définition, que les lois ou les êtres sont sama, « semblables entre eux, » et tulya, « égaux entre eux. » Des expressions de ce genre reviennent plusieurs fois dans la partie du Mémoire de Deshauterayes consacrée à la métaphysique des Buddhistes. Ainsi quand Çâkyamuni parvient après de longues méditations à la perfection d’un Buddha, Deshauterayes, s’appuyant sur ses autorités chinoises, s’exprime ainsi : « Il acquit la véritable sagesse qui égalise ou identifie toutes choses[1]. » Dans

  1. Recherches sur la religion de Fo, dans Journ. asiat. t. VII, p. 166.