Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
340
NOTES.

sion est familière aux Buddhistes de toutes les écoles, et qu’on la trouve aussi fréquemment dans les livres pâlis du Sud que dans les livres sanscrits du Nord. Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, en ce qui regarde les livres pâlis, on trouve au commencement du Mahâvam̃sa de Turnour, l’expression têhi hôdhâya vyâhatô, pour le sanscrit tâir bôdhâya vyâkrĭtaḥ, ce que Turnour traduit, « By them also his admission into Buddhohood was foretold[1] » Le sens que j’adopte ici, et qui est confirmé par un très-grand nombre d’exemples, dérive assez régulièrement des éléments qui entrent dans la composition du verbe vyâkrĭ, « expliquer, développer. »

St. 92. Grâce au mélange de bonnes œuvres qu’il avait accumulées.] En traduisant ainsi, je n’ai pas lait attention que le manuscrit de la Société asiatique écrivait distinctement, म चापि तेनाकुशलेन कर्मणा, leçon qui est confirmée jusqu’à un certain point par les deux manuscrits de M. Hodgson qui ont, quoique avec une faute, तेनोकुशलेन. Cette leçon donne akuçalêna au lieu de haçalêna, c’est-à-dire le vice pour la vertu ; de façon que ce vers signifie : « et lui, même avec cette action coupable. » Le vers suivant, कलमाषभूतेनभिसंस्कृतेन, littéralement, « devenue mélangée, accumulée, » se lie alors très-bien à celui qui précède ; car le mot mélangé s’appliquant à une action qui n’est ni complètement mauvaise ni complètement bonne, laisse la place à quelques vertus dont je regrettais tout à l’heure de ne pas trouver trace dans l’exposition en prose[2]. Cette leçon achève de montrer qu’il faudrait lire dans le passage précité du fol. 14, ténâkuçaléna, comme le fait ici le manuscrit même de la Société asiatique ; par là seraient mises d’accord l’exposition en prose et l’exposition versifiée. Quoi qu’il en puisse être de la correction indiquée pour le passage examiné plus haut, je propose maintenant de rendre comme il suit la stance 92 : « Mais, même avec cette conduite coupable qui se mélangea [de bonnes œuvres] accomplies par lui. » C’est à des actions mélangées et semblables à celles dont il est ici question, que s’adressent des paroles comme celles que le commentateur du Dharmakôça vyâkhyâ met dans la bouche du Buddha : « J’aperçois, dit Bhagavat, le germe infiniment petit d’affranchissement qui est en lui, comme l’or qui est engagé dans les interstices d’un minerai[3]. » Et cette théorie n’est pas moins familière aux Buddhistes du Sud, car elle fait partie intégrante de la doctrine de la transmigration. Ainsi dans un recueil de légendes en pâli qui jouit d’une certaine célébrité à Ceylan, je trouve cette stance :

ahô aichtchhariyam êtam abbhutam̃ lômaham̃sanam̃
appassa paññakammassa anubhâvamahantatâ

« Ah ! quelle merveille étonnante, capable de faire frissonner ! cela résulte de la grande puissance d’une petite action vertueuse[4] ! » Quant à la distinction des actions en bonnes, mauvaises et mélangées, elle se rencontre également chez les Buddhistes du Sud, avec quelques différences toutefois dans les divisions et dans leur nombre. J’en trouve un résumé

  1. Turnour, Mahâwanso, t. I, p. 2, l. 3.
  2. Dharmakôça vyâkhyâ, f.a, init.
  3. Voyez la seconde note sur le fol. 14 b.
  4. Rasavâhinî, f. 84 b.