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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

avoir salué ses pieds en les touchant de la tête : Nous confessons notre faute, ô Bhagavat, nous qui nous imaginions sans cesse dans notre esprit que nous pouvions dire : « Voici pour nous le Nirvâṇa complet, nous sommes arrivés au Nirvâṇa complet ; » c’est, ô Bhagavat, que nous ne sommes pas éclairés, que nous ne sommes pas habiles, que nous ne sommes pas instruits comme il faut. Pourquoi cela ? C’est que, quand il nous fallait arriver à la perfection des Buddhas dans la science du Tathâgata, nous nous sommes trouvés satisfaits de la science ainsi limitée(115 a 2) que nous possédions.

C’est, ô Bhagavat, comme si un homme étant entré dans la maison de son ami, venait à y tomber dans l’ivresse ou dans le sommeil, et que son ami attachât à l’extrémité du vêtement de cet homme un joyau ou un diamant du plus grand prix, en disant : Que ce joyau inestimable lui appartienne ! Qu’ensuite, ô Bhagavat, l’homme [endormi] s’étant levé de son siége, se mette en marche ; qu’il se rende dans une autre partie du pays ; là qu’il éprouve des malheurs, qu’il ait de la peine à se procurer de la nourriture et des vêtements, et que ce ne soit qu’avec de grandes difficultés qu’il obtienne de se procurer si peu de nourriture que ce soit ; que ce qu’il trouve lui suffise, qu’il s’en contente et en soit satisfait. Qu’ensuite, ô Bhagavat, l’ancien ami de cet homme, f. 115 b.celui par qui a été attaché à l’extrémité de son vêtement ce joyau inestimable, vienne à le revoir et qu’il lui parle ainsi : D’où vient donc, ami ; que tu éprouves de la difficulté à te procurer de la nourriture et des vêtements, quand, pour te rendre l’existence facile, j’ai attaché et placé à l’extrémité de ton vêtement un joyau inestimable, propre à satisfaire tous tes désirs, et quand je t’ai donné, ami, ce joyau ? C’est par moi, ami, que ce joyau a été attaché à l’extrémité de ton vêtement. Comme tu ignores cela, tu dis : Est-ce que ce joyau a été attaché pour moi ? par qui l’a-t-il été ? pour quelle raison et pour quel motif l’a-t-il été ? Tu es, ami, un véritable enfant, toi qui, cherchant avec peine à te procurer de la nourriture et des vêtements, te contentes de cette existence. Va, ami, et, prenant ce joyau, retourne sur tes pas ; rends-toi dans la grande ville, et, avec l’argent que tu en auras retira, fais tout ce que l’on fait avec de l’argent.

De même aussi, ô Bhagavat, quand jadis le Tathâgata remplissait les devoirs de la conduite imposée à un Bôdhisattva, il produisait même en nous des pensées d’omniscience ; et ces pensées, ô Bhagavat, nous ne les connaissions pas, nous ne les savions pas. C’est pour cela, ô Bhagavat,