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reconnaît le fait, et il avoue que c’est de la bouche de Vyâsa qu’il a entendu le Purâṇa qu’il va raconter[1]. Mais ce qui est plus curieux, c’est qu’en même temps qu’on accorde à Sûta la connaissance des Itihâsas et des Purâṇas, le texte lui refuse positivement celle des Vêdas, dans cette phrase que je transcris à cause de son importance : न हि वेदेष्वधिकारः कश्वित् सूतस्य दृश्यते « Car on ne reconnaît à Sûta aucun droit sur les Vêdas[2] » Cette exclusion, qui se trouve également indiquée dans le Bhâgavata[3], et à laquelle il semble qu’il est fait allusion dans un passage du Mahâbhârata[4], est atribuée par le Vâyavîya à l’infériorité de la naissance de Sûta, lequel, suivant une légende que M. Wilson a trouvée reproduite dans le Vâichṇava et dans le Pâdma, doit le jour à une offrande du jus de la plante Sôma (l’asclépiade acide), qui, destinée au sage Vrǐhaspati, avait été, par erreur, donnée à Indra son disciple[5]. J’indiquerai bientôt l’explication beaucoup plus naturelle que suggèrent les textes des lois indiennes qui règlent les fonctions des diverses castes. Quant à la légende du Vâyavîya, je soupçonne qu’elle repose sur un jeu de mots auquel prête le rapport que présente le nom de Sûta, désignant dans les livres de lois une caste particulière, avec le mot

  1. Vâyavîya Purâṇa, fol 2 v. l. 5.
  2. Ibid. fol. 2 r. l. 7.
  3. Bhâgavata, l. I, ch. iv, st. 13.
  4. Au commencement du livre consacré à l’histoire de la famille des fils de Kuru et de Pâṇḍu, le fils de Rômaharchaṇa, interrogé par le chef des solitaires, lui apprend que dans l’intervalle des cérémonies célébrées pendant le grand sacrifice de Djanamêdjaya, les Brâhmanes racontèrent des histoires empruntées aux Védas, mais que Vyâsa exposa l’histoire si grande et si variée du Bhârata. (Voy. Mahâbhârata, t. 1, p. 80, st. 2202.) Or comme le Bhârata, transmis par Vyâsa à Vâiçam̃pâyana, est justement le poème que raconte le fils de Rômaharchaṇa, la stance à laquelle je renvoie, et qui distingue les Brâhmanes, narrateurs de récits védiques, de Vyâsa, le narrateur de récits héroïques, semble interdire implicitement la connaissance du Véda à Rômaharchaṇa qui écoutait Vyâsa.
  5. Analys. of the Purâṇ. dans Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, t. I, p. 535.