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DU BUDDHISME INDIEN.

Je remarque d’abord qu’il faut lire tchâilaka, plutôt que tchêla, mot qui est le nom d’une sorte de vêtement. Le titre de tchâilaka désigne, suivant les Népâlais, la quatrième des cinq classes dont se compose chez eux le corps des Religieux buddhistes. Le Tchâilaka est celui qui se contente d’une pièce d’étoffe suffisante pour couvrir sa nudité, et qui rejette tout autre vêtement comme superflu[1]. Suivant la définition de l’Udâna, il faut, pour constituer un livre de ce genre, un Religieux qui soit auditeur et un Buddha qui soit Guru, c’est-à-dire précepteur spirituel ; mais la liste de M. Hodgson n’offre aucun exemple d’un livre portant le titre d’Udâna, et je n’ai trouvé ce titre sur aucun des volumes que nous possédons à Paris. Nous ne connaissons donc pas de spécimen de cette classe d’ouvrages, et il est jusqu’ici plus prudent d’y voir une des parties ou un des éléments des écritures buddhiques, conformément à l’explication que j’ai proposée pour les trois titres précédents. Or, je rencontre souvent dans les légendes qui font partie du Divya avadâna, par exemple, ainsi que dans le Lalita vistara, l’expression udânam udânayati, laquelle, d’après l’ensemble du contexte, me paraît offrir ce sens, « il prononce avec emphase une louange ou des paroles de « joie[2]. » Cette signification particulière du mot udâna, qui est, à ma connaissance du moins, étrangère au sanscrit classique, est aussi aisément justifiable par les textes pâlis de Ceylan que par les livres sanscrits du Népâl ; et quelque incertitude qui puisse rester sur le choix à faire entre les deux traductions de « paroles de joie » et « paroles de louange, » j’ai la conviction que je ne suis pas très-éloigné d’en saisir le véritable sens. Les interprètes tibétains favorisent la seconde traduction ; car l’expression par laquelle ils remplacent udâna signifie, d’après le Dictionnaire de Schröter, « louer, exalter, élever[3], » tandis que M. Turnour rend le mot pâli udâna par hymne de joie[4]. Quoi qu’il en puisse être, je me crois en droit de dire que le terme d’udâna, assez vaguement défini d’ailleurs dans la liste népâlaise, ne peut constituer une classe d’ouvrages originaux, ainsi que semblerait l’indiquer cette liste. On doit trouver des Udânas dans les livres buddhiques, comme on y trouve les autres éléments que j’ai passés en revue plus haut ; mais c’est seulement dans ce sens que ce terme peut servir de

  1. Hodgson, Sketch of Buddhism., dans Trans. of the Roy. Asiat. Soc., t. II, p. 245.
  2. Kôṭikarṇa, dans Divy. avad., f. I a. Pûrṇa, ibid., f. 17 b, 23 a et 25 b. Supriya, ibid., f. 47 a et 58 a. Lalita vistara, f. 60 a de mon manuscrit et pass.
  3. Voy. Csoma, Analysis of the Sher-chin, etc., dans Asiatic Researches, t. X, p. 477, où le terme sanscrit udâna est rendu en tibétain par les mots tchhed-du brdjod-pa, que l’on trouve expliqués ainsi : « To praise, to commend, to exalt, to extoll, to laud, » dans Schröter, Bot. Dict., p. 98, col. 1. M. Schmidt (Tibet. Deutsch. Worterb., p. 161, col. 2) traduit ce terme par agréer, approuver, vanter.
  4. Examin of pâli Buddhist. Annals, dans Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 526, et t. VII, p, 793.