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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

retrouve bien dans Vidjñâna le savoir ou le connaître des interprètes mongols ; mais ils vont certainement trop loin quand ils représentent Nâmarûpa, le nom et la forme, par la couleur et la figure ; ils omettent d’ailleurs l’idée de nom, cet élément nécessaire de l’individualité. Je puis encore moins admettre la manière dont ils envisagent les Çhaḍâyatanas, les six siéges des sens, où ils trouvent les six régions des êtres. Outre qu’on ne nous dit pas ce que sont ces six régions, il est facile de reconnaître d’où vient l’erreur des Mongols : c’est qu’ils ont pris au propre le mot Âyatana, place, lieu. Je passe rapidement sur les quatre termes qui suivent : Sparça, le contact ; Vêdanâ, la sensation ; Trǐchṇâ, le désir ; Upâdâna, la conception, dont leur version donne des analogues suffisants, s’ils étaient accompagnés d’un commentaire. Mais je ne puis omettre de signaler la manière trop générale dont ils traduisent Bhava, l’existence, qu’ils croient synonyme de Sam̃sâra, le cercle ou le mouvement circulaire des naissances. L’erreur n’est certainement pas très-grave, puisque c’est par la naissance que l’homme entre dans le cercle ou dans la révolution du monde, en d’autres termes, qu’il est soumis à la loi de la transmigration. Cependant la naissance n’est qu’un des actes de ce passage à travers le monde, et il n’est pas possible d’identifier un des degrés de la révolution avec la révolution tout entière. Le fait est que ce sont les douze Nidânas, ou ces douze termes rattachés successivement les uns aux autres, comme la cause à l’effet, qui font entrer fatalement l’homme dans le cercle de la transmigration.

Je termine ici ce que j’avais à dire de la manière dont les Mongols envisagent la théorie difficile des douze causes de l’existence ; il est à peine besoin d’ajouter que si, entourés de tous les secours qui étaient à leur disposition, ils n’ont pas su la rendre plus claire, il y a là de quoi justifier tous ceux qui s’occuperont du même sujet et qui ne réussiront pas mieux[1].

Page 471. — Avant de passer à l’analyse du Suvarṇa prabhâsa, il eût été nécessaire d’indiquer les subdivisions de la classe des livres nommés Tantras, dont Csoma nous apprend l’existence. Suivant cet auteur, on reconnaît au Tibet quatre classes de Tantras, savoir : 1° Kriyâ tantra, les Tantras de l’action ; 2° Âtchâra tantra, les Tantras des pratiques ; 3° Yoga tantra, les Tantras de l’union mystique ; 4° Anuttara yoga tantra, les Tantras du Yoga supérieur[2]. Ces divisions suffisent pour montrer les développements considérables qu’a pris la littérature des Tantras, je ne dirai pas seulement au Tibet, mais dans

  1. Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. IV, p. 215.
  2. Tibet. Diction., p. 245, col. 1.