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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

atteint le Nirvrĭtti y conservent le sentiment de leur personnalité et ont conscience du repos dont elles jouissent éternellement[1], les autres croyant que l’homme délivré de la Pravrĭtti et parvenu à l’état de Nirvrĭtti tombe dans le vide absolu, c’est-à-dire est anéanti pour jamais[2]. Ce vide est ce que les Buddhistes appellent Çûnyatâ, « la vacuité, » état qui, selon les Svâbhâvikas les plus rigides, est un bien, quoiqu’il ne soit rien ; car hors de là l’homme est condamné à passer éternellement à travers toutes les formes de la Nature, condition à laquelle le néant même est préférable.

Je crois devoir renvoyer le lecteur aux lumineux développements (dont M. Hodgson a fait suivre cet exposé, que j’ai réduit à ses termes les plus essentiels. Je ne m’arrête pas non plus à signaler une ancienne division de l’école Svâbhâvika, qui n’apporte à cette doctrine d’autre changement que de mettre en relief, sous le nom de Pradjña, « sagesse, » la somme de toutes les énergies actives et intelligentes de la Nature, et d’y absorber l’homme à l’état de Nirvrĭtti[3]. Je me hâte d’exposer les principes particuliers à l’école la plus directement opposée à celle des naturalistes, je veux dire l’école des Âiçvarikas ou des théistes, qui admettent un Dieu, essence intelligente qui sous le nom d’Âdibuddha est pour les uns la Divinité unique, et pour les autres le premier terme d’une dualité dont le second terme est le principe matériel qui lui est coexistant et coéternel[4]. Mais ici je laisse parler M. Hodgson lui-même, de peur d’altérer sa pensée : « Quoique les théistes reconnaissent une essence immatérielle et un Dieu, ils nient sa providence et son empire sur le monde ; et quoiqu’ils retardent la délivrance comme l’état d’être absorbé dans l’essence divine, et qu’ils s’adressent vaguement à Dieu comme à celui qui donne les biens de la Pravrĭtti, ils regardent l’union de la vertu et du bonheur, tant qu’on demeure dans cet état de Pravrĭtti, comme tout à fait indépendante de Dieu. Ils croient que l’homme ne peut y arriver que par ses propres efforts, à l’aide des austérités et de la méditation ; et ils pensent que ces efforts peuvent le rendre digne d’être honoré comme un Buddha sur la terre, et l’élever après sa mort dans le ciel, à la participation des attributs et du bonheur du suprême Âdibuddha[5]. » On le voit, l’idée de Dieu, même dans cette école que M. Hodgson tient pour plus moderne et moins nombreuse que celle des naturalistes[6], n’a pas jeté de très-

  1. Asiat. Researches, t. XVI, p. 436.
  2. Ibid., p. 437.
  3. Hodgson, European Specul. on Buddhism, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. III, p. 502.
  4. Notices on the languages, dans Asiat. Res., t. XVI, p. 438.
  5. Asiat. Res., t. XVI, p. 438.
  6. Europ. Specul. on Buddh., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. III, p. 503. C’est naturistes qu’il faudrait pouvoir dire au lieu de naturalistes.