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DU BUDDHISME INDIEN.

sont composés avec des documents qui doivent leur origine aux deux sources auxquelles j’ai eu particulièrement recours pour la rédaction de mon travail, savoir, la tradition du Népâl et les livres conservés dans ce pays. Je me propose donc de résumer rapidement, en y joignant des observations qui me sont propres, les principaux traits du tableau que M. Hodgson a tracé de la métaphysique du Buddhisme, pour passer ensuite à l’examen spécial de quelques points que j’étudierai d’après les textes mêmes. C’est, à peu de chose près, la marche que j’ai suivie quand j’ai analysé les Sûtras.

On compte actuellement au Népâl quatre grandes écoles philosophiques, celles des Svâbhâvikas, des Âiçvarikas, des Kârmikas et des Yâtnikas. L’école des Svâbhâvikas est celle des philosophes de la Nature[1] ; mais le mot de Nature ne rend que d’une manière incomplète [ce que les Buddhistes entendent par Svabhâva ; ils y voient à la fois et la Nature qui existe d’elle-même, la Nature absolue, cause du monde, et la Nature propre de chaque être, celle qui le constitue ce qu’il est[2]. Les Svâbhâvikas, que M. Hodgson regarde comme la plus ancienne école philosophique du Buddhisme actuellement connue au Népâl[3], nient l’existence d’un principe spirituel. Ils ne reconnaissent que la Nature prise absolument, à laquelle ils attribuent des énergies au nombre desquelles est comprise non seulement l’activité, mais encore l’intelligence. La Nature est éternelle, ainsi que ses énergies, et elle a deux modes, celui de Pravrĭtti ou de l’existence, et celui de Nirvrĭtti ou de la cessation, du repos. Les pouvoirs de la Nature sont sous leur forme propre dans l’état de Nirvrĭtti[4] ; ils prennent une forme animée et matérielle dans l’état de Pravrĭtti, état où la Nature entre spontanément, et non par la volonté ni l’action d’aucun être différent d’elle. La création et la destruction de l’univers sont l’effet de la succession éternelle des deux états de la Nature, et non celui de la volonté d’un Dieu créateur qui n’existe pas. À l’état de Pravrĭtti ou d’activité appartiennent les formes matérielles de la Nature : elles sont passagères, comme les autres phénomènes au milieu desquels elles apparaissent. Les formes animées au contraire, formes dont la plus élevée est l’homme, sont jugées capables de parvenir par leurs propres efforts à l’état de Nirvrĭtti, c’est-à-dire qu’elles peuvent s’affranchir de la nécessité de reparaître au milieu des phénomènes passagers de la Pravrĭtti[5]. Arrivés à ce point, les Svâbhâvikas se divisent, les uns admettant que les âmes qui ont

  1. Notices on the languages, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 423.
  2. Voy. les Additions, à la fin du volume.
  3. Notices on the languages, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 439.
  4. Ibid., p. 435.
  5. Voyez, sur cette partie de la doctrine des Svâbhâvikas, les observations judicieuses de Benfey. (Indien, p. 197, extrait de l’encyclopédie d’Ersch et Gruber.)