Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
380
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Quel est celui qui, sous la Loi de Bhagavat, a fait des aumônes abondantes ? C’est Anâtha piṇḍika le maître de maison, répondirent les Religieux. — À quelle somme s’élèvent les aumônes qu’il a faites ? — À cent Kôṭis. Cette réponse fit réfléchir le roi : Voilà, se dit-il en lui-même, un maître de maison qui a donné cent Kôṭis pour la Loi de Bhagavat ! puis il dit tout haut : Et moi aussi, je veux donner cent Kôṭis. Il fit, [comme on sait,] établir quatre-vingt-quatre mille édits royaux de la Loi ; il donna cent mille [Suvarṇas] à chacun des endroits où ils furent dressés, et il en fit autant au lieu où était né Çâkyamuni, où il était devenu Buddha, où il avait fait tourner la roue de la Loi, et où il était entré dans le Nirvâṇa complet. Il reçut les Religieux pendant les cinq mois du Varcha, et dans cette occasion il donna quatre cent mille [Suvarṇas] ; il nourrit trois cent mille Religieux, à savoir, cent mille Arhats et deux cent mille disciples et hommes ordinaires pleins de vertus. Il fit présent à l’Assemblée des Âyras de la grande terre de ses femmes, de la foule de ses ministres, de Kunâla, de lui-même enfin, se réservant toutefois son trésor, et il racheta tous ces biens pour quatre cent mille [Suvarṇas]. Enfin il avait de cette manière donné quatre-vint-seize mille Kôṭis pour la Loi de Bhagavat, lorsqu’il vint à tomber en langueur. Il se dit alors : Bientôt je ne serai plus, et cette idée le jeta dans le découragement.

Râdhagupta était le ministre du roi ; c’était celui avec lequel, [dans une de ses existences antérieures,] il avait donné une poignée de terre [à Çâkya]. Voyant le roi tomber dans le découragement, il se prosterna devant lui, et lui dit les mains réunies en signe de respect :

Pourquoi, seigneur, est-il inondé de larmes ce visage, qui semblable à l’astre dévorant du jour, ne peut être regardé par la foule de tes puissants ennemis, et dont ne peuvent se détacher des centaines de femmes aux yeux de lotus ?

Râdhagupta, répondit le roi, je ne pleure ni la perte de mes trésors, ni celle de ma royauté, ni le malheur d’être séparé du monde ; je pleure de ce que je vais être éloigné des Âryas.

Non, je ne verrai plus l’Assemblée qui possède toutes les vertus, qui

    ne serait pas facile de débrouiller, si l’on ne savait pas avec quelle négligence les légendaires cousent ensemble les divers épisodes des récits que leur transmet la tradition. Ce n’est pas après avoir offert à l’Assemblée des Religieux la moitié d’un Amalaka que le roi Açôka s’enquit auprès des Religieux du nom de celui qui leur avait jamais fait les aumônes les plus abondantes. La suite du récit prouve au contraire qu’Açôka ne donna cette moitié de fruit que quand il eut épuisé ses trésors, et que l’héritier présomptif eut pris des mesures pour l’empêcher d’abandonner aux Religieux la totalité de ce qui lui restait. La première phrase de cet alinéa peut donc passer pour une espèce de titre de la légende, qu’il faut entendre à peu près ainsi : « Comment Açôka, par l’offrande de la moitié d’un Âmalaka, témoigna de sa foi pour la Loi de Bhagavat. » Ce qui suit cette phrase est le sommaire de la première partie de la légende de Kunâla ; celle de Vîtâçôka débute par un résumé semblable.