ṇêras ayant deviné l’intention du roi, se dirent entre eux : Nous devons concourir à augmenter ses mérites. Et aussitôt l’un se présenta tenant une écaille de tortue, et l’autre apporta des couleurs. À cette vue le roi leur dit : Çrâmaṇêras, qu’allez-vous donc faire ? Nous avons deviné, répondirent-ils, que le roi désirait donner à l’Assemblée des Religieux assez d’étoffe pour qu’elle se vêle, et nous venons teindre cette étoffe. Je n’ai fait qu’en concevoir la pensée, se dit le roi en lui-même, et je n’ai pas prononcé un seul mot. Ils connaissent donc les pensées des autres, ces sages magnanimes ? Et aussitôt tombant à leurs pieds de toute sa hauteur, il leur dit les mains réunies en signe de respect :
« Le descendant des Mâuryas, avec ses serviteurs, avec son peuple et les habitants de ses villes, est arrivé au comble du bonheur, a heureusement célébré tous les sacrifices, puisque des êtres vertueux lui témoignent assez de bienveillance pour lui faire aujourd’hui un tel présent[1].
Le roi leur dit ensuite : Je veux, après vous avoir abordé, donner à l’Assemblée des Religieux assez d’étoffe pour que chacun ait ses trois vêtements. En conséquence, lorsque les cinq mois du Varcha furent écoulés, le roi Açôka fit présent à chaque Religieux de trois vêtements ; et quand il eut donné quatre cent mille manteaux à l’Assemblée, il racheta des [Religieux] la terre, ses femmes, la foule de ses ministres, lui-même et Kunâla [son fils][2]. Sa foi dans l’enseignement de Bhagavat n’avait fait qu’augmenter ; et il établit quatre-vingt-quatre mille édits royaux de la Loi.
Le jour où le roi promulgua ses édits, la reine Padmavatî mit au monde un fils, beau, agréable à voir, gracieux ; les yeux de cet enfant brillaient du plus vif éclat. On alla en annoncer la nouvelle au roi : Bonheur au roi : il lui est né un fils. Transporté de joie, Açôka s’écria : Une joie extrême, une joie sans bornes remplit mon cœur ; la splendeur de la race des Mâuryas est à son comble ; c’est parce que je gouverne selon la Loi, qu’il m’est né un fils ; puisse-t-il aussi faire fleurir la Loi ! C’est pourquoi on lui donna le nom de Dharma vivardhana[3]. On apporta ensuite l’enfant au roi, qui en le voyant fut comblé de bonheur et s’écria :
- ↑ Le texte est ici altéré dans nos deux manuscrits ; il manque au dernier vers une syllabe que je rétablis par conjecture.
- ↑ Il est réellement curieux de retrouver dans les voyageurs chinois la trace historique de cet événement, qui n’est indiquée ici que d’une manière très-abrégée. Selon Fa hian, il existait encore de son temps, près de Pâṭaliputtra, une colonne élevée par Açôka, qui portait cette inscription : « Le roi A you (Açôka) avait donné le Yan fou ti (Djambudvîpa) aux Religieux des quatre côtés ; il l’a racheté d’eux pour de l’argent, et ainsi trois fois. » (Foe koue ki, p. 255 et 261.) C’est pour cela que dans notre légende on dit qu’Açôka donne tout à l’Assemblée des Religieux, hormis son trésor. Il voulait ainsi se réserver les moyens de répéter ses libéralités.
- ↑ Voy. les additions, à la fin du volume.