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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


comme les filaments de la fleur du Kadamba, lui adressa cette question : Est-ce qu’il y a encore au monde un Religieux qui ait vu le Buddha ? Oui, répondit le Sthavira, il y en a un qui a vu le Buddha ; c’est Piṇḍôla, descendant de Bharadvâdja, et il vit encore. Est-ce que je ne pourrais pas le voir ? dit Açôka. — Tu vas le voir, ô grand roi ; voici le moment de sa venue. Transporté de joie, le roi s’écria : Quel avantage ce serait pour moi, quel avantage supérieur et incomparable, si je pouvais voir face à face cette noble créature, qui tient par son nom à la race de Bharadvâdja ! Alors le roi réunissant les mains en signe de respect, se tint debout les regards attachés au ciel. Et aussitôt le Sthavira Piṇḍôla, le descendant de Bharadvâdja, environné de plusieurs milliers d’Arhats, qui se déployaient à sa droite et à sa gauche comme les extrémités du croissant de la lune, s’abattit du haut des airs, semblable au Râdjaham̃sa, et vint s’asseoir à la place d’honneur. À la vue de Piṇḍôla le Bharadvâdjide, ces nombreux milliers de Religieux s’avancèrent à sa rencontre. Le roi vit Piṇḍôla dont la tête était blanche, dont le front était couvert de longs sourcils qui cachaient la prunelle de ses yeux, et dont l’extérieur était celui d’un Pratyêka Buddha ; et à peine, l’eut-il vu, que tombant à terre de toute sa hauteur aux pieds de Piṇḍôla, comme un arbre qu’on aurait coupé par la racine, il baisa les pieds du Religieux ; puis s’étant relevé, et ayant posé à terre les deux genoux, il réunit ses mains en signe de respect, et regardant le Religieux, il lui dit en versant des larmes :

« Quand, après avoir triomphé de la foule de mes ennemis, j’ai vu réunie sous ma puissance unique la terre avec ses montagnes, jusqu’aux rivages de l’Océan qui l’entoure, je n’ai pas éprouvé autant de plaisir qu’en voyant le Sthavira.

Ta vue, que dans ta compassion tu m’accordes, fait aujourd’hui apparaître à mes yeux le Tathâgata ; ta vue double mes dispositions bienveillantes.

Tu l’as donc vu, ô Sthavira, le souverain des trois mondes, mon précepteur, le bienheureux Buddha ? Alors le Sthavira Piṇḍôla, le descendant de Bharadvâdja, relevant ses sourcils de ses deux mains, répondit en regardant Açôka : Oui, je l’ai vu plus d’une fois, le grand et incomparable Rĭchi, dont la splendeur ressemblait à l’éclat de l’or brûlant ; je l’ai vu paré des trente-deux signes de beauté, avec son visage semblable à une lune d’automne, avec sa voix supérieure comme celle de Brâhmâ ; je l’ai vu vivant dans la solitude. — En quel endroit, ô solitaire, et comment as-tu vu Bhagavat ? Le Sthavira répondit : Lorsque Bhagavat, ô grand roi, après avoir mis en déroute l’armée de Mâra, alla, pour la première fois, passer le temps de la saison des pluies à Râdjagrĭha, avec cinq cents Arhats, j’étais à cette époque dans cette ville. C’est là que j’ai vu parfaitement cet être digne de respect. Et il prononça cette stance :