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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


d’or, d’argent, de lapis-lazuli et de cristal, rassembler une quantité considérable d’aliments et de boissons, et réunir une masse de parfums, de guirlandes et de fleurs, prit un bain, se couvrit de vêtements neufs, non encore portés, et ornés de longues franges, se soumit au jeûne qu’on pratique moyennant huit conditions ; puis ayant pris un vase à encens, il monta sur la plate-forme de son palais, et s’écria en se tournant vers les quatre points de l’horizon : Que les Çrâvakas du bienheureux Buddha veuillent bien venir ici par bienveillance pour moi ! Et il prononça cette stance :

« Que les disciples du Sugata qui ont marché dans la droite voie, dont les sens étaient calmes, que ces sages, vainqueurs des désirs et du péché, qui sont dignes de respect et qui sont honorés par les Dieux et par les hommes, arrivent en ce lieu par compassion pour moi.

Amis de la quiétude, maîtres d’eux-mêmes, libres de tout attachement, que ces fils bien-aimés du Sugata, du roi de la Loi, ces sages devenus Âryas, que vénèrent les Asuras, les Suras et les hommes, viennent ici par compassion pour moi.

Que les sages pleins de fermeté qui habitent l’agréable ville de Kâçmîra pura, que les Âryas qui résident dans la forêt ténébreuse de Mahâvana[1], dans le char de Rêvataka[2], viennent ici en faveur de moi.

    c’est à cet usage que fait allusion le mot précité du texte. Mais il se pourrait que ce terme se rapportât à ce que M. Abel Rémusat nomme, d’après Fa hian, « la grande assemblée quinquennale. » (Foe koue ki, p. 26.) Comme je n’ai pas de détails suffisamment précis sur la nature et l’objet de cette assemblée, j’ai cru devoir adopter, pour traduire Pañtcha vârchika, le sens que rappelle un usage connu. Je ne dois cependant pas oublier de remarquer que cette grande assemblée quinquennale de Fa hian est très-vraisemblablement celle qui fut instituée par le roi buddhiste Piyadassi, dans le troisième des édits de Girnar, et qui avait pour objet de recommander de nouveau les principales règles de la morale buddhique, l’obéissance qu’on doit à son père et à sa mère, la libéralité envers les Brâhmanes et les Çramaṇas, et d’autres principes également humains. (Prinsep, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 228, 242, 250 et 439.) Dans cet édit de Girnar, comme sur les Lâths de Delhi, d’Allahabad et d’autres provinces du Nord, les Brâhmanes sont encore cités avant les Çramaṇas ; mais dans le quatrième édit, tel qu’il est reproduit à Dhauli dans le Cattak, les Çramaṇas ont le pas sur les Brahmanes, de même que dans les textes sanscrits du Nord. C’est une circonstance, à mon avis, très-digne de remarque, et qui prouve de la manière la plus évidente l’antériorité du Brâhmanisme sur le Buddhisme. Il faut ajouter ce fait à ceux que j’ai allégués plus haut (sect. II, p. 122 sqq.) en faveur de la thèse que j’ai essayé de prouver. Au temps de Piyadassi, c’est-à-dire deux siècles après Çâkya, la supériorité politique des Brahmanes était encore assez incontestable pour qu’un roi buddhiste fût obligé de les nommer dans un de ses édits avant les Religieux buddhistes eux-mêmes. Mais dans les livres rédigés, ou tout au moins remaniés plus tard, à l’époque de la prédominance du Buddhisme, les compilateurs prirent, à l’égard de leurs adversaires, la même liberté que, suivant la remarque de Prinsep, s’était déjà donnée le rédacteur des édits du Cattak, et dès lors les Çramaṇas précédèrent invariablement les Brâhmanes.

  1. C’est le monastère de Mahâvana, ainsi nommé du bois où il était situé dans le pays d’Udyâna. (Foe koue ki, p. 54.)
  2. Je n’ai pas vu ailleurs l’indication de cette localité. Le nom de Rêvata, duquel dérive celui