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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


l’état de Buddha parfaitement accompli[1]. Cela est exprimé par la stance suivante :

C’est là, auprès de l’arbre Bôdhi, que le héros des solitaires dissipa en peu d’instants l’armée de Namutchi humilié ; c’est là que cet être incomparable obtint le noble, le suprême et l’immortel état de Buddha.

En conséquence le roi donna cent mille [Suvarṇas] pour l’arbre Bôdhi, et fit élever en cet endroit un Tchâitya ; après quoi il se retira.

Alors le Sthavira Upagupta dit au roi Açôka : C’est ici que les quatre grands rois du Ciel offrirent à Bhagavat quatre vases faits de pierre, et qu’il en choisit un[2]. En cet endroit il reçut l’aumône d’un repas de la main des deux marchands Trapucha et Bhallika[3]. Ici Bhagavat, sur le point de se rendre à Bénârès, fut loué par un certain Upagaṇa[4]. Enfin le Sthavira ayant conduit le roi au lieu nommé Rĭchipatana, lui dit en étendant la main droite : Ici, ô grand roi, Bhagavat a fait tourner la roue légale de la Loi qui en trois tours se présente de douze manières différentes. Et il prononça cette stance :

  1. Il est à tout instant question dans les légendes du séjour de Çâkya auprès de l’arbre Bôdhi, sous lequel il obtint la dignité de Buddha ; cet arbre se trouvait à Gayâ. Les détails du séjour de Çâkya dans ce pays sont amplement exposés et développés par les notes relatives au chapitre xxxi du Foe koue ki. (Voyez p. 275 sqq., p. 285 et 290.) Fa hian vit des Stûpas élevés à tous les endroits à peu près que désigne notre légende. Je dois ajouter ici qu’en parlant plus haut de l’origine du nom de Bôdhi donné au figuier indien, j’ai oublié de dire, en faveur de mon opinion, que chaque Buddha avait, selon la mythologie populaire, son Bôdhi particulier, lequel n’était pas toujours le ficus religiosa. Ainsi l’arbre Bôdhi du premier Buddha de l’époque actuelle était un Çirîcha, c’est-à-dire un acacia sirîsa. (Asiat. Res., t. XVI, p. 453. Foe koue ki, p. 193. Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 793. Mahâvanso, p. 90, éd. in-4o.) Celui du second était un Udumbara, c’est-à-dire un ficus glomerata. (Asiat. Res., t. XVI, p. 454. Foe koue ki, p. 195. Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 794 et 795. Mahâvanso, p. 92.) Celui du troisième était un Nyagrôdha, c’est-à-dire un ficus Indica. (Foe koue ki, p. 189. Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 796.) Cela prouve que le nom de Bôdhi est un terme générique désignant l’arbre sous lequel un Buddha doit obtenir la consécration de sa mission sublime, et non pas le nom propre et populaire de cette espèce de figuier. C’est là ce que j’avais voulu établir ci-dessus, sect. II, p. 68, note 3, et ce qu’indique déjà l’analogie seule des mots Buddha et Bôdhi.
  2. Voyez sur cette légende une note de Klaproth, dans le Foe koue ki, p. 291. Çâkya préféra le vase le plus simple de tous ceux que les Dieux lui offraient. Cette légende, qui fait partie de celle qui va suivre, est racontée dans le Lalita vistara, fol.197 b et 198 a de mon man.
  3. Cette légende est encore rapportée dans la note précédemment citée de Klaproth, d’après des sources singhalaises, et en partie d’après le Chinois Hiuan thsang. (Foe koue ki, p. 291.) Mais dans le passage que Klaproth a emprunté à Upham. (The sacred and histor. Books of Ceylon, t. III, p. 110 sqq.), les mots sont singulièrement défigurés. Ces deux marchands sont ceux-là même dont il est parlé dans l’inscription de la fameuse cloche de Rangoun, et auxquels j’ai fait allusion ci-dessus, p. 318, note 1. La légende dont il est ici question fait l’objet d’un chapitre (le XXIVe) du Lalita vistara, fol. 196 b de mon man.
  4. Ce fait est encore raconté par le Lalita vistara, chap. XXVI, f. 209 b de mon man. C’est entre le trône du Bôdhimaṇḍa et la ville de Gayâ qu’il eut lieu.