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DU BUDDHISME INDIEN.


désireux de l’immortalité[1], il fut entré dans la voie qui y mène, sur le trône de la Bôdhi[2].

En ce moment le roi, se prosternant aux pieds du Sthavira, lui parla ainsi les mains réunies avec respect : Si je pouvais voir ce roi des Nâgas qui a contemplé le Tathâgata, lorsque possédant la vigueur du roi des éléphants furieux, il marchait dans cette voie ! Et aussitôt le roi des Nâgas, Kâlika, apparaissant auprès du Sthavira Upagupta, lui dit les mains réunies avec respect : Sthavira, que me commandes-tu ? Alors le Sthavira dit au roi : Voici, ô grand roi, Kâlika le roi des Nâgas, qui a chanté les louanges de Bhagavat, lorsque, assis auprès de l’arbre Bôdhi, il s’avançait dans la voie du salut. Aussitôt le roi, les mains réunies avec respect, parla ainsi à Kâlika le roi des Nâgas : Tu l’as donc vu celui dont le teint égalait l’éclat de l’or fondu, tu l’as vu mon maître incomparable, dont la face ressemble à une lune d’automne ! Expose-moi une partie des qualités du Sage aux dix forces ; dis-moi quelle était alors la splendeur du Sugata. Je ne puis, lui dit le Dragon, l’exprimer par des paroles ; mais juges-en par un seul mot :

Touchée par la plante de ses pieds, la terre avec ses montagnes trembla de six manières différentes ; éclairée par la lumière du Sugata, qui se levait semblable à la lune au-dessus du monde des hommes, elle parut belle et plus resplendissante que les rayons du soleil. Après cet entretien, le roi fit dresser un Tchâitya en cet endroit et se retira.

Ensuite le Sthavira Upagupta ayant conduit le roi auprès de l’arbre Bôdhi, lui dit en étendant la main : C’est ici, ô grand roi, que le Bôdhisattva, doué de la grande charité, après avoir vaincu toutes les forces de Mâra, parvint à

  1. Il y a ici encore une forme incorrecte, amrĭtârthinaḥ pour amrĭtârthî. Voyez la légende de ce dragon qui était aveugle, dans le Foe koue ki, p. 285.
  2. C’est ainsi que je traduis le composé Bôdhimaṇḍa, expression tout à fait propre au sanscrit buddhique. Interprétée littéralement et selon les règles du style classique, elle devrait signifier « l’essence de la Bôdhi ou de l’intelligence ; » et c’est ainsi que je l’ai entendue longtemps, et en particulier pendant que je lisais des Sûtras développés, tels que le Lotus de la bonne Loi, où rien n’éclaire le lecteur sur le sens spécial de ce terme ; mais j’ai acquis depuis la conviction qu’il désigne, notamment dans les anciennes légendes, le trône ou siége miraculeux, qui passe pour s’être élevé de terre à l’ombre de l’arbre Bôdhi, lorsque Çâkya eut rempli les devoirs qui lui donnaient droit au titre de Buddha. On trouve à ce sujet dans le Foe koue ki une note de Klaproth qui ne laisse aucun doute sur l’application toute spéciale de ce terme. (Foe koue ki, p. 286, note, col. 1.) Il faut seulement ajouter que « l’estrade de l’arbre Bôdhi, » comme les Chinois l’appellent, est le Bôdhimaṇḍa de nos légendes, ce que j’ignorais avant d’avoir vu plusieurs fois ce terme, soit dans les Avadânas, soit dans le Lalita vistara, et ne pas oublier que ce nom s’applique même par extension à la ville de Gayâ, où se trouvait l’arbre Bôdhi, à l’ombre duquel parut l’estrade ou le trône en question. C’est ce que nous apprend Csoma dans son analyse de la vie de Çâkya. (Asiat. Res., t. XX, p. 292 et 423.) Ce trône se nommait encore Vadjrâsana, « le siége de diamant » (Ibid., p. 75 et 292) ; mais ce nom est moins commun que l’autre.