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DU BUDDHISME INDIEN.


voyants qui prédisent l’avenir. C’est ici que le Rĭchi Asita déclara que l’enfant serait un jour un Buddha dans le monde. Ici, ô grand roi, l’enfant a été confié à Mahâ Pradjâpatî, sa nourrice. Là on lui a enseigné [à écrire ; ici, à monter un éléphant et un cheval[1], à diriger un char, à manier l’arc, la flèche, la massue, l’aiguillon, à pratiquer en un mot les autres exercices convenables à sa naissance. Voici la salle où s’exerçait le Bôdhisattva. C’est en cet endroit qu’environné de cent mille Divinités, le Bôdhisattva se livrait au plaisir avec ses soixante mille femmes. C’est ici que dégoûté du monde par la vue d’un vieillard, d’un malade et d’un mort, le Bôdhisattva [quitta sa demeure] pour se retirer dans la forêt[2]. C’est ici qu’il s’assit à l’ombre d’un Djambu, et que se détachant des conditions du péché et de la misère, il parvint, par la réflexion et le jugement, au premier degré du Dhyâna (la contemplation), qui est le résultat de la vue distincte, qui donne la satisfaction et le bonheur, et qui ressemble à l’état exempt de toute imperfection. C’est alors qu’un peu après midi, au moment où l’on prend le repas, on vit l’ombre des autres arbres se projeter [dans le sens ordinaire], se diriger, s’incliner vers l’orient[3], tandis que l’ombre de l’arbre Djambu n’abandonnait pas le corps du Bôdhisattva. À cette vue le roi Çuddhôdana tomba une seconde fois de toute sa hauteur aux pieds du Bôdhisattva. C’est par cette porte qu’escorté de cent mille Divinités, le Bôdhisattva sortit de Kapilavastu au milieu de la nuit. Ici le Bôdhisattva remit son cheval et ses parures entre les mains de Tchhandaka [son serviteur], et le congédia. C’est ce que dit cette stance :

Tchhandaka ayant reçu ses parures et son cheval, fut congédié par lui ; le héros entra seul et sans serviteur dans la forêt où il allait se mortifier.

C’est ici que le Bôdhisattva, échangeant avec un chasseur ses habits de soie de Bénârès contre des vêtements de couleur jaune, embrassa la vie de mendiant. Ici il fut reçu dans l’ermitage des Bhârgavides. En cet endroit le roi Bimbisâra invita le Bôdhisattva à partager avec lui la royauté. C’est là qu’il rencontra Ârâḍa[4] et Udraka, ainsi que l’exprime cette stance :

  1. Le texte se sert des expressions caractéristiques et tout indiennes, « à monter sur le cou d’un éléphant et sur le dos d’un cheval. »
  2. Cette partie de la légende de Çâkya est depuis longtemps connue et à bon droit célèbre, parce qu’elle exprime les idées de compassion et de charité qui passent pour les premiers motifs de la mission que s’est donnée Çâkya. On la trouve amplement développée dans le Foe koue ki, p. 204 sqq.
  3. Le texte se sert ici d’une expression que je n’ai vue que dans ce style : prâtchîna prâgbhâra. D’après Wilson, prâgbhâra ne signifie que « sommet d’une montagne. » En rapprochant de ce sens le composé de notre texte, on pourrait supposer que l’adjectif prâgbhâra signifie « ce « dont le poids est au sommet. »
  4. Ce Brahmane a déjà été nommé ci-dessus, sect. II, p. 137, note 1. Je crois reconnaître le