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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

doit lui faire obstacle. Enfin la terre, jusqu’aux limites de l’Océan, se soumit à ses ordres.

Un jour Susîma, un des fils du roi, rentrait du jardin dans Pâṭaliputtra. Khallâtaka, le premier ministre du roi Bindusâra, sortait de Pâṭaliputtra. Susîma le fils du roi lui jeta son gantelet sur la tête, dans l’intention de jouer. Le ministre fit cette réflexion : Aujourd’hui il fait tomber son gantelet ; mais quand il sera roi, ce sera la Loi qu’il fera tomber. Je prendrai mes mesures pour qu’il ne devienne pas roi. Il détacha donc [du prince] cinq cents conseillers, en disant : Açôka a été désigné comme devant être un Tchakravartin, maître des quatre parties de la terre ; il faudra que nous le placions sur le trône.

Cependant les habitants de Takchaçilâ se révoltèrent, et Susîma le fils du roi fut envoyé par son père contre eux ; mais il ne put réduire la ville. Le roi Bindusâra tomba ensuite en langueur, et il dit : Amenez-moi mon fils Susîma, je veux le placer sur le trône ; établissez Açôka dans Takchaçilâ. Mais les ministres frottèrent de safran Açôka le fils du roi. Après avoir fait bouillir de la laque dans un vase de fer, et avoir frotté des vases de même métal avec le suc produit par cette décoction, ils les en teignirent[1]. Puis ils dirent à Bindusâra : Açôka le fils du roi est tombé en langueur. Mais quand Bindusâra fut réduit à un état tel qu’il ne lui restait presque plus de vie, alors les ministres ayant paré Açôka de toutes sortes d’ornements, l’amenèrent au roi, en lui disant : Place celui-ci, en attendant, sur le trône ; quand Susîma sera revenu, alors nous l’y rétablirons à son tour. Mais le roi se mit en colère ; et alors Açôka prononça ces paroles : Si le trône me revient de droit, que les Dêvatâs m’attachent le bandeau royal ; et aussitôt le diadème lui fut attaché par les Dêvatâs. À la vue de ce miracle, le roi Bindusâra rendit le sang chaud par la bouche et mourut.

Lorsque Açôka fut établi sur le trône, les Yakchas en proclamèrent la nouvelle à la hauteur d’un Yôdjana au-dessus de la terre ; les Nâgas la proclamèrent à la profondeur d’un Yôdjana au-dessous. Cette nouvelle fit sortir Râdhagupta de sa retraite, et il entendit répéter dans les environs : Bindusâra a fait son temps, et Açôka vient d’être placé sur le trône. Au bruit de cet événement [Susîma], plein de colère, se mit en route [pour Pâṭaliputtra], et quitta en toute hâte le lieu où il se trouvait. Mais le roi Açôka établit à la première porte

  1. J’avoue ne pas bien comprendre l’objet de cette préparation. Voici le texte même : Lâkcham tcha lôhapâtrê kvâthayitvâ, kvathiténa rasêna lôhapâtrâṇi mrakchayitvâ tchhôrayanti. Il se peut que la teinture rouge donnée par les ministres à des vases de fer ait pour but de faire croire que le jeune prince avait perdu une plus ou moins grande quantité de sang qui avait été reçue dans ces vases.