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DU BUDDHISME INDIEN.

Il y envoya son fils Açôka, en lui disant : Va, mon fils, mets le siége devant la ville de Takchaçilâ. Il lui donna une armée composée de quatre corps de troupes, mais il lui refusa des chars et des armes. Quand le jeune Açôka sortit de Pâtaliputtra, ses gens lui adressèrent cet avertissement : Fils du roi, nous n’avons ni soldats, ni armes ; avec quoi et comment combattrons-nous ? Alors Açôka s’écria : S’il est en moi quelque vertu qui doive mûrir jusqu’à me donner le trône, qu’il paraisse des soldats et des armes ! À peine le fils du roi eut-il parlé, que la terre s’entr’ouvrit et que les Dêvatâs lui amenèrent des soldats et des armes.

« Alors le fils du roi partit avec son armée composée de quatre corps de troupes pour Takchaçilâ. Les citoyens qui habitaient la ville ayant nettoyé la route dans l’étendue de deux Yôdjanas et demi, et portant des vases pleins [d’offrandes], sortirent à sa rencontre ; et s’étant avancés en sa présence, ils lui dirent : Nous ne sommes pas les ennemis du fils du roi, non plus que du roi Bindusâra ; ce sont de mauvais ministres qui nous oppriment. Açôka entra donc dans Takchaçilâ au milieu d’une grande pompe. Il entra en outre de la même manière dans le royaume des Svaças[1]. Deux géants nus vinrent chercher un refuge auprès de lui[2]. Ils en reçurent des moyens de subsistance et commencèrent à marcher devant lui, divisant les montagnes sur son passage ; et les Dêvatâs prononcèrent ces paroles : Açôka sera un souverain Tchakravartin, maître des quatre parties de la terre ; personne ne

    résultats qu’elles ont produits, savoir l’identité du Tan tcha chi lo du voyageur Fa hian avec la Takchaçilâ des Indiens, résultat auquel MM. Lassen et Wilson sont arrivés, indépendamment l’un de l’autre, par une étude attentive du texte de Fa hian. (Lassen, Zeitschrift für die Kunde des Morgenland, t. I, p. 224. Wilson, Journ. of the Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 118. Ariana antiqua, p. 196.)

  1. Je ne connais pas ce nom de peuple, et je soupçonne qu’il y a ici quelque faute dans nos manuscrits. Il est probable qu’il faut lire Khaça au lieu de Svaça, les signes स्व sva et kha se confondent, comme on sait, très-aisément. Mais la présence des Khaças non loin de Takchaçilâ donne lieu à une difficulté qu’a déjà signalée Lassen, à l’occasion d’une stance de Mahâbhârata, où Wilson lisait, d’après ses manuscrits, Khaça, et où Lassen a reconnu dans celui de Paris un autre nom de peuple, celui de Baçâti. (De Pentapot. Indic., p. 87.) Lassen ne trouve pas que l’existence des Khaças dans le Pendjab soit justifiée par les textes. Notre légende ne devrait-elle pas modifier en partie cette opinion, et ne pourrait-on pas croire qu’il existait des Khaças au nord de ce pays ? Ces peuples, dont il est si souvent question dans l’histoire du Kachemire, ont été vraisemblablement nomades ; et les rares indications qu’on possède jusqu’ici sur leur ancienne existence permettent de les rapprocher du nord de l’Inde. (Mânava dharma çâstra, chap. X, st. 44.) Mon excellent ami, M. Troyer, a rassemblé sur cet ethnique un grand nombre de renseignements curieux dans sa traduction de l’Histoire du Kachemire. (Râdja taranginî, t. II, p. 321 sqq.)
  2. Le texte se sert de l’expression de Mahânagna ; ces Nagnas ou hommes nus paraissent dans la légende avec le rôle de guerriers qui accomplissent des exploits presque surnaturels. Ce sens me paraît préférable à celui de Barde, qu’a le mot nagna, d’après Wilson.