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DU BUDDHISME INDIEN.

ou ils ont été inventés après coup, et on n’en doit tirer qu’une conséquence : c’est que le Buddhisme a, comme toutes les institutions humaines, subi dans le cours des temps des modifications faciles à comprendre, et que les livres qui nous ont conservé la tradition ont suivi ce mouvement et se sont modifiés sous son influence.

Cette dernière remarque me ramène naturellement à l’observation que j’ai faite au commencement de la présente section. Cette observation, c’est que les divisions que j’avais précédemment établies dans la classe des Sûtras s’appliquent également à celle des Avadânas, c’est-à-dire que tous les traités qui portent ce titre n’appartiennent pas à la même époque, ou d’une manière plus générale, rapportent des événements qui se sont passés à des époques très-éloignées les unes des autres. Je prends la liberté de renvoyer le lecteur aux remarques que j’ai faites dans la section précédente sur l’importance historique des prédictions contenues dans les livres attribués à Çâkya. Ces réflexions s’appliquent rigoureusement à plusieurs traités du Divya avadâna et de l’Avadâna çataka, où Çâkyamuni annonce à ses Auditeurs la naissance du roi Açôka, qui doit un jour faire dominer sa loi sur l’Inde entière et rendre à ses reliques un culte devenu célèbre chez tous les peuples buddhiques. Ces prédictions, qui sont d’ordinaire entremêlées de détails curieux, forment à peu près tout ce que la collection népâlaise nous a conservé de plus précis sur ce grand monarque, car la volumineuse compilation de l’Açôka avadâna, qui est une sorte de Purâṇa, ajoute peu à ce que nous apprennent les légendes du Divya avadâna et de l’Avadâna çataka. Ce n’est pas ici le lieu de discuter les faits et les dates que nous fournissent les légendes auxquelles je fais en ce moment allusion ; cet examen trouvera sa place dans la section consacrée à l’esquisse de l’histoire du Buddhisme ; mais il me paraît indispensable de donner un spécimen un peu étendu de ces légendes, qui ont quelque ressemblance avec celles où figure le nom seul de Çâkya, et cependant qui sont visiblement postérieures à son époque. Je commence par le morceau du Divya avadâna qui a pour titre Açôka avadâna, en observant qu’il ne faut pas confondre ce traité avec le grand Açôka avadâna en vers, dont je parlais tout à l’heure. Je choisis à dessein ce morceau, parce qu’il s’ouvre par une liste des rois qui ont régné entre Bimbisâra, le contemporain de Çâkya, et Açôka, le héros de la légende.

« En ce temps-là régnait dans la ville de Râdjagrĭha le roi Bimbisâra[1]. Bimbisâra eut pour fils Adjâtaçatru ; ce dernier eut pour fils Udjâyin[2] ; Udayi-

  1. Açôka avad., dans Divya avad., f. 183 a, man. Soc. Asiat., f. 230 a de mon man.
  2. Nous avons ici un exemple de l’incorrection flagrante de nos manuscrits ; le roi nommé ici Udjâyin est le même que Udayibhadra ; ce dernier nom est le seul véritable ; du moins c’est celui que donnent les livres pâlis ; Udjâyin est manifestement une erreur de copiste.