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DU BUDDHISME INDIEN.

Des autorités écrites étendent en effet à tous ces personnages le droit d’être ensevelis sous un Stûpa ; mais les légendes nous révèlent encore une autre cause de la multiplicité de ces tumulus : c’est l’espérance des mérites que les fidèles croyaient s’assurer en faisant construire des Stûpas à l’intention d’un Buddha. Ces constructions, sortes de cénotaphes solides, doivent avoir été nombreuses, tant dans l’Inde que dans les contrées voisines ; et, si les antiquaires, en ouvrant quelques-uns des Topes de l’Afghanistan, n’y ont pu trouver aucun débris humain, c’est probablement qu’ils s’adressaient à des Stûpas du genre de ceux dont je parle, et dont il existe un très-grand nombre chez les Barmans. M. G. de Humboldt a conjecturé avec beaucoup de raison que le Stûpa du temple de Baug, dans l’ouest de l’Inde[1], doit être une construction pleine, dans laquelle rien n’a pu être renfermé ; et ce profond penseur a montré avec sa supériorité ordinaire comment l’idée de la sainteté des reliques dut naturellement se reporter, dans la pensée du peuple, sur les édifices destinés à les contenir, et assurer ainsi aux Stûpas privés de reliques les respects qu’on n’avait dans l’origine accordés qu’à ceux qui en renfermaient[2]. J’ajoute qu’il fallait bien que les Buddhistes se contentassent de ces constructions vides, pour continuer à élever des Stûpas à Çâkya. Quelle que fût la facilité avec laquelle la foi populaire accueillait la multiplication des reliques, les huit boîtes primitives n’étaient cependant pas inépuisables. Mais celui qui construisait un de ces Stûpas vides à l’intention d’un Buddha ne regardait probablement pas plus que le peuple au fond des choses, et la forme extérieure suffisait à sa dévotion.

Avant de terminer, je dois répondre à une objection qu’un Buddhiste ne manquerait pas de faire au nom de ses légendes, si toutefois un Buddhiste pouvait s’émouvoir des doutes impies de la critique européenne. Pourquoi, dirait-il, suspecter la véracité des légendes qui attribuent à Çâkyamuni l’établissement du culte des reliques, quand on voit ce sage distribuer pendant sa vie

    tombeaux de souverains. Il pense que les deux destinations, celle d’un tombeau et celle d’un édifice consacré à la Divinité, ont pu être l’objet commun qu’ont eu en vue les auteurs de ces monuments curieux. (Journ. Asiat. Society of Bengal, t. III, p. 570.) M. Wilson a donné de bonnes raisons contre ce sentiment, et il croit, avec Erskine et Hodgson, que les Stûpas, comme les Dagobs de Ceylan, sont destinés à renfermer et à protéger quelque sainte relique, attribuée, probablement sans beaucoup de raison ni de vraisemblance, à Çâkyasim̃ha, ou à quelqu’un des personnages qui le représentent, comme un Bôdhisattva ou un grand-prêtre vénéré dans le pays où a été élevé le Stûpa. (Ariana antiqua, p. 45.) Je me permets d’ajouter à cette liste les rois favorables au Buddhisme ; et je crois en outre qu’il faut tenir compte des cénotaphes bâtis à l’intention des Buddhas. M. Masson pense que des Stûpas ont pu être élevés au-dessus des restes mortels des rois (Ariana antiqua, p. 78 et 79) et des saints personnages. (Ibid., p. 84.)

  1. Transact. lit. Soc. of Bombay, t. II, p. 198.
  2. Ueber die Kawi-Sprache, t. I, p. 163.