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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Quant à l’assimilation que les légendes établissent entre Çâkyamuni Buddha et un monarque souverain, elle avait déjà été faite, d’après les mêmes autorités, au moment de sa naissance ; et les livres buddhiques répètent à chaque instant cette prédiction que les Brâhmanes adressent au père de chaque Buddha : Si ton fils embrasse la vie de maître de maison, ce sera un monarque souverain ; s’il entre dans la vie religieuse, ce sera un Buddha[1]. La prédiction était commandée par le haut rang où était né Çâkya, fils d’un Kchattriya consacré par l’onction royale ; et la comparaison du sage le plus élevé dans l’ordre religieux avec un souverain monarque, vainqueur et maître de tous les rois, n’était qu’une de ces inventions permises à la foi pieuse des disciples. Je crois même reconnaître ici un des éléments de ce que j’appellerais volontiers le thème d’un Buddha, thème dont j’attribue l’invention aux premiers disciples de Çâkyamuni. J’ajoute que si l’idée de conserver et d’honorer les reliques des rois est, comme je l’ai supposé tout à l’heure, exclusivement buddhique, elle doit s’être introduite par imitation de ce qu’on avait fait à la mort du Maître. Qu’on admette avec moi qu’on n’élevait pas ordinairement de Stûpas au-dessus des reliques des rois de croyance brâhmanique, et il faudra reconnaître qu’en rappelant les honneurs rendus aux restes mortels des monarques souverains, les Buddhistes parlent sous l’impression des souvenirs qu’avait laissés chez eux la gloire d’un monarque, comme Açôka, par exemple, qui avait fait régner leur croyance sur la plus grande partie de l’Inde.

Si cette supposition n’est pas trop hasardée, nous devons admettre qu’il y a, dans les légendes relatives à cette partie du culte, des détails qui ne peuvent être antérieurs au iiie ou au ive siècle après la mort de Çâkya. Par là aussi se trouvera expliqué, en partie du moins, le grand nombre des Stûpas que l’on rencontre encore aujourd’hui debout dans l’Inde et dans l’Afghanistan. De ces Stûpas, les uns auront été élevés au-dessus de quelque relique vraie ou fausse de Çâkya ou seulement sur les lieux que sa présence avait rendus célèbres ; les autres au-dessus du tombeau de ses premiers disciples et des chefs de l’Assemblée qui lui succédèrent dans la direction du corps des Religieux[2] ; les autres enfin au-dessus des restes mortels des rois qui avaient favorisé la doctrine buddhique[3].

  1. Voyez ci-dessus, p. 306.
  2. Le Dul-va tibétain parle d’un Tchâitya qui fut élevé au-dessus du corps de Çâriputtra, lequel mourut avant son maître. (Asiat. Res., t. XX, p. 88.) Fa hian le place à Na lo ou Nâlanda, près de Râdjagrĭha. (Foe koue ki, p. 262.) Il parle aussi de deux Stûpas qui renfermaient les reliques d’Ânanda. Ces Stûpas étaient situés sur chacune des deux rives du Gange, non loin du lieu où la Gandakî se jette dans ce fleuve. (Ibid., p. 250.)
  3. Prinsep a déjà proposé une conciliation analogue des deux opinions opposées, qui veulent, l’une que les Stûpas soient des édifices purement religieux, l’autre qu’ils soient uniquement des