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DU BUDDHISME INDIEN.


à ses instructions que son corps aurait été brûlé, et que les débris de ses os, échappés aux flammes, auraient été renfermés dans des urnes, dont le Stûpa destiné à les recevoir reproduit sur une plus grande échelle les proportions fondamentales, à savoir un cylindre surmonté d’un couvercle en forme de dôme ou de coupole[1]. Csoma de Cörös a même traduit du tibétain une description fort curieuse de la cérémonie des funérailles[2], qui s’accorde, quant aux circonstances les plus importantes, avec ce que M. Turnour a extrait des livres pâlis touchant le même sujet[3], et avec ce que je trouve dans un ouvrage singhalais de ma collection, le Thûpavam̃sa, ou l’histoire des Stûpas élevés soit dans l’Inde, soit à Ceylan. Mais cette description, qui sauf quelques circonstances miraculeuses porte le cachet de la vérité, peut être parfaitement fidèle, sans que pour cela nous devions admettre comme un fait historique l’opinion des légendaires, qui veulent que Çâkyamuni ait ordonné lui-même qu’on rendît à sa dépouille mortelle les honneurs dus à celle d’un monarque Tchakravartin. J’ai pour ma part, quant à l’exactitude de cette assertion, des doutes que je dois exposer brièvement.

Que Çâkya ait ordonné qu’on brûlât son corps avec magnificence, cela est possible, quoique cette injonction soit peu d’accord avec la modestie et la simplicité de sa vie de mendiant ; mais qu’il ait voulu que l’on conservât les restes de ses os trouvés dans les cendres du bûcher, c’est ce qui paraîtra douteux, si l’on songe au mépris qu’il avait pour le corps. Comment croire que celui aux yeux duquel le corps vivant était si peu de chose eût attaché le moindre prix à quelques os consumés par le feu ? L’assimilation que la légende fait des funérailles de Çâkyamuni avec celles d’un monarque souverain est d’ailleurs un point un peu obscur. Sans doute, au temps de Çâkya, le titre de roi Tchakravartin[4] ou de monarque qui a réuni sous un spectre unique la totalité des royaumes connus des Indiens devait être vivant dans la mémoire du peuple. La gloire des Pâṇḍus et de la grande monarchie d’Indraprastha était sans doute déjà populaire ; et d’ailleurs la tradition avait déjà immortalisé d’autres monarques non moins glorieux, dont les noms se trouvent également dans les livres des Brâhmanes et dans ceux des Buddhistes. Je ne fais donc aucune difficulté d’admettre que Çâkya ait pu parler des obsèques réservées à un tel monarque ; mais je ne vois nulle part, dans les livres des Brâhmanes, que l’on conservât les os de

  1. Asiat. Res., t. XX, p. 296 et 312.
  2. Ibid., p. 309 sqq.
  3. Examination, etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 1009 sqq.
  4. Voyez les explications que M. G. de Humboldt a données de ce terme. (Ueber die Kawi-Sprache, t. I, p. 276 et 277.) On le fait précéder quelquefois du mot bala (armée).