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DU BUDDHISME INDIEN.


qu’après avoir embrassé la vie religieuse en ma présence, il est arrivé, par l’anéantissement de toutes les corruptions du mal, à voir face à face l’état d’Arhat, et qu’il a accompli, comme je l’ai dit, l’œuvre de la conversion.

C’est ainsi, ô Religieux, qu’aux actions entièrement blanches est réservée une récompense entièrement blanche aussi, comme il a été dit ailleurs[1]. »

Le morceau qu’on vient de lire nous permet d’apprécier à quels minutieux détails descendent quelquefois les traités où sont mises en pratique les règles relatives à la Discipline. Une collection complète de légendes de ce genre ne nous laisserait probablement rien ignorer de ces règles ; elle nous ferait connaître surtout avec exactitude les devoirs auxquels le régime de la vie commune soumettait les Religieux. Ceux de ces devoirs qui se représentent le plus souvent dans les légendes du Népal sont l’obligation qui est imposée à chaque Religieux de prendre son repas avec ceux qui vivent dans le même monastère, et la défense de jamais refuser à un hôte les secours dont il a besoin. Cette dernière prescription repose sur les belles idées des Orientaux touchant les devoirs de l’hospitalité ; mais les Buddhistes, par suite de leur prédilection pour les sentiments moraux, ont fait une application spéciale de ces idées, et se sont attachés à les faire entrer dans la pratique de la vie religieuse, qu’ils présentent toujours comme l’idéal de la vie de l’homme en ce monde. Là paraît le caractère propre du Buddhisme, doctrine où domine la morale pratique, et qui se distingue ainsi du Brâhmanisme, où la spéculation philosophique d’une part, et la mythologie de l’autre, occupent certainement une plus grande place[2]. Par là aussi le Buddhisme témoigne clairement de sa postériorité à l’égard du Brâhmanisme. Si en effet les systèmes moraux ne sont nés qu’à la suite des systèmes ontologiques, ce qui est établi de la manière la plus positive par l’histoire de la philosophie grecque, le Buddhisme doit nécessairement, et si l’on peut s’exprimer ainsi, génétiquement être postérieur au Brâhmanisme. Sans doute les éléments de la science brâhmanique ne sont pas exclusivement ontologiques, et l’étude de l’homme moral y paraît déjà ; mais les recherches spéculatives n’y sont pas moins le principe dominant qui donne à l’ensemble du brâhmanisme une direction uniforme. Il ne faut pas d’ailleurs s’exagérer l’importance de celles d’entre

  1. C’est-à-dire que la fin du discours de Çâkyamuni n’est donnée qu’en abrégé, et qu’il faut le compléter par la formule qui termine l’histoire de Pûrṇa, ci-dessus, p. 244.
  2. Erskine avait déjà très-judicieusement reconnu et exprimé le caractère en général très-peu moral de la mythologie indienne, et pour le dire en un mot, du Brâhmanisme considéré comme religion populaire. (Transact. of the lit. Soc. of Bombay, t. I, p. 205.)