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INTRODUCTION À L’HISTOIRE
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nous établir dans un Vihâra désert. Là vint un jour un Religieux qui avait une conduite morale ; nous conçûmes alors cette idée : Si ce Religieux reste avec nous, il suffira à lui seul pour nous attirer des aumônes. Le Religieux resta donc dans notre Vihâra. La présence de ce Religieux attira de nouveau dans le monastère un grand nombre de Religieux doués d’une conduite morale. Ces nouveaux venus nous chassèrent encore de ce lieu. Égarés par le ressentiment, nous rassemblâmes du bois, du gazon et de la bouse de vache desséchée, et nous mîmes le feu au Vihâra. Là furent brûlées un grand nombre de personnes, tant parmi les étudiants que parmi les maîtres[1]. Et nous, pour avoir fait périr ces gens-là par le feu, nous sommes nés ici dans des Enfers qui se renouvellent chaque jour. Il est établi que quand la mort nous aura fait sortir de ce monde, il nous faudra renaître dans les régions infernales. C’est pourquoi, respectable Sam̃gha rakchita, il est bon que quand tu seras retourné dans le Djambudvîpa, tu annonces à ceux qui remplissent avec toi les devoirs de la vie religieuse : Ne concevez pas contre ceux qui remplissent avec vous les devoirs religieux des pensées de méchanceté, de peur que vous n’éprouviez des douleurs et un désespoir semblable à celui auquel sont condamnés les Brâhmanes de Kâçyapa.

Le respectable Sam̃gha rakchita quitta ces Religieux. Il aperçut bientôt des êtres dont la forme ressemblait à celle d’une colonne, d’un mur, d’un arbre, d’une feuille, d’une fleur, d’un fruit, d’une corde, d’un balai, d’un vase, d’un mortier, d’un chaudron. Le respectable Sam̃gha rakchita arriva dans un district. Là, dans un ermitage, habitaient cinq cents Rĭchis ; du plus loin qu’ils aperçurent le respectable Sam̃gha rakchita, ils se dirent les uns aux autres : Continuons de nous livrer à nos occupations ordinaires : ces Çramanas, fils de Çâkya[2], sont de grands parleurs ; il faut qu’aucun d’entre nous ne dise un mot à celui-

  1. Le texte dit Çâikchâçâikcha. Il est bien clair qu’il s’agit à la fois ici et de ceux qui reçoivent l’instruction et de ceux qui la donnent ; l’étymologie du mot çâikcha et de son contraire açâikcha suffit pour le prouver. Mais la nuance précise qu’exprime le premier de ces termes ne m’est pas parfaitement connue, parce que je ne l’ai pas rencontré dans un assez grand nombre de passages. Le Vocabulaire d’Hématchandra, qui en sa qualité de Djâina était plus versé dans les choses buddhiques que ne le pouvait être un Brâhmane, place le terme de Çâikcha immédiatement après celui de Çichya, qui est le mot propre pour désigner un élève, un disciple. (Hêmatchandra kôça, ch. I, st. 79 a.) Le Çâikcha est distingué du Çichya en ce qu’il est prathama kalpika, titre qui signifie probablement « celui qui en est aux premières instructions. » Le terme d’Açâikcha est plus facile à préciser, grâce au Vocabulaire pâli de Clough. L’Abhidhâna ppadîpika en fait un synonyme d’Arhat. (Pâli Gramm. and Vocab., p. 2, l. 2.) Ce terme signifie au propre « celui qui n’est pas Çâikcha. » S’il désigne l’Arhat, c’est sans doute comme ayant franchi tous les degrés de l’enseignement.
  2. C’est encore un des noms que l’on donne aux sectateurs de Çâkya ; il est familier à toutes les écoles, mais il ne se représente pas très-souvent dans nos légendes du Nord.