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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

LÉGENDE DE SAM̃GHA RAKCHITA[1].

« Il y avait à Çrâvastî un maître de maison nommé Buddha rakchita[2], riche, fortuné, ayant de grandes richesses. Cet homme prit une femme dans une famille égale à la sienne ; puis il se divertit avec elle, avec elle il se livra au plaisir et à la volupté. * Quand il se fut diverti avec elle, sa femme, au bout d’un certain temps, devint enceinte[3]. * Cependant le respectable Çâriputtra entra dans la maison de cet homme avec l’intention de le convertir, et il lui apprit, ainsi qu’à sa femme, les formules de refuge et les préceptes de l’enseignement.

Au bout d’un certain temps, la femme du maître de maison devint enceinte. Le respectable Çâriputtra, reconnaissant que le moment de convertir l’enfant était venu, entra dans la maison de Buddha rakchita sans être suivi de personne. Le maître de maison lui dit : Le vénérable Çâriputtra n’a donc derrière lui aucun Çramaṇa qui le suive[4] ? Ô maître de maison, reprit Çâriputtra, est-ce que tu crois que les Çramaṇas qui nous suivent naissent pour nous des plantes Kâça ou Kuça[5] ? Ce sont les enfants qu’obtiennent tes pareils qui deviennent des Çramaṇas faits pour nous suivre. Ô vénérable, dit le maître de maison Buddha rakchita, ma femme est enceinte ; si c’est un fils qu’elle met au

  1. Divya avadâna, f. 164 b, man. Soc. Asiat., f. 207 a de mon man. Bkah-hgyur, sect. Dulva, t ka. ou I, f. 147. Csoma, Asiat. Res., t. XX, p. 55. Cette histoire est précédée d’un préambule qui se rapporte à la légende des deux Nâgas, ou serpents fabuleux nommés Nanda et Upananda, et qui contient la défense que fait Çâkya de recevoir l’enseignement d’un homme dont l’existence n’est pas bien démontrée. Cette défense est faite à l’occasion d’un Nâga qui avait pris les dehors d’un Religieux. Les Buddhistes s’imaginent que les Nâgas peuvent se transformer suivant leur désir en quelque être que ce soit, et qu’ils ne sont forcés de reprendre leur véritable figure que pour accomplir quelques-uns des actes qui constituent leur individualité propre.
  2. Nous connaissons déjà un nom pareil qui nous a été conservé par la littérature brâhmanique ; c’est la Buddha rakchita, l’une des disciples de Kâmandakî, cette Religieuse buddhiste qui figure dans le Mâlatî mâdhava. Avec les mots Buddha, Dharma et Sam̃gha, les Buddhistes forment des noms propres qui signifient respectivement : « Protégé par le Buddha, par la Loi et par l’Assemblée. »
  3. La phrase que j’ai placée entre deux étoiles se trouve dans mes deux manuscrits sanscrits ; mais elle manque à la version tibétaine ; il me paraît presque évident que ce n’est qu’une interpolation des copistes.
  4. Ceci fait allusion à la règle qui défend à un Religieux d’entrer dans la maison d’un laïque sans être suivi d’un autre Religieux, soit déjà ordonné, soit simplement novice ; un tel Religieux se nomme Paçtchât Çramaṇa, « Çramaṇa qui vient derrière. » Nous avons déjà vu une allusion pareille à cette coutume profondément morale dans le Sûtra relatif aux miracles de Çâkya pendant sa lutte avec les Tîrthikas. (Ci-dessus, sect. II, p. 155.)
  5. Le kâça est le saccharum spontaneum, et le kuça le poa cynosnroides.