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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


terprète le second paragraphe de la note de M. Abel Rémusat. Il est le troisième dans la liste singhalaise, où il est écrit piṇḍapâtikangga. Mais les Singhalais, ou peut-être seulement leur interprète B. Glough, paraissent faire ici une confusion qu’il est nécessaire de débrouiller. Ils traduisent piṇḍapâta par « vase aux aumônes[1], » comme si pâta était synonyme de patta, transformation pâlie du sanscrit pâtra (vase). Je ne crois pas que cette interprétation soit admissible, et piṇḍapâta me paraît formé de piṇḍa « boulette de riz, » ou de toute autre substance alimentaire, et de pâta, « jet : » le jet d’une boulette est ici synonyme du terme aumône de quelques aliments. Les Tibétains ne sont pas ici d’un grand secours pour nous éclairer sur l’étymologie du mot ; mais en traduisant le terme qui nous occupe par bsod-sñoms-pa, « celui qui vit d’aumônes, » ils nous donnent le sens général et parfaitement exact de piṇḍapâtika.

Le cinquième article est écrit Êkâpanikaḥ. M. A. Rémusat l’a placé le quatrième sur sa liste, et il a pensé qu’il se rapportait à l’injonction qui est faite aux Religieux de se contenter d’un seul repas. Je crois que c’est une erreur qui vient de l’analogie apparente de pânika avec pâtika. La comparaison de la liste singhalaise et de la version tibétaine du Vocabulaire pentaglotte nous fournit le moyen de restituer ce terme, qu’il faut certainement lire êkâsanikaḥ. Les Singhalais l’écrivent êkâsanikangga, et le traduisent par « celui qui emploie toujours le même siége pour prendre son repas. » Les Tibétains représentent notre article par les mots Stan-gtchig-pa « celui qui a un siége unique. » La correction de êkâsanika pour êkâpanika est encore justifiée par cette observation, que dans le Vocabulaire pentaglotte la lettre p est fréquemment substituée à s. Mais il peut rester un doute sur la question de savoir si les Buddhistes n’ont pas joué ici sur le double sens auquel se prête ce terme, suivant qu’il est écrit avec un ç ou avec un s : ainsi l’orthographe êkâsanika, en sanscrit, ne peut avoir que ce sens, « celui qui n’a qu’un seul siége ; » l’ortographe êkâçanika, en sanscrit, ne peut avoir que ce sens, « celui qui ne fait qu’un seul repas. » Mais en pâli, comme la différence du ç et du s a disparu, êkâsanika peut avoir à la fois l’un et l’autre sens. On voit qu’on justifierait l’interprétation de M. A. Rémusat en lisant êkâçanika ; mais si le témoignage douteux des Singhalais ne s’oppose pas à cette traduction, l’assertion positive des Tibétains, qui voient ici le sens de siége, la contredit formellement.

Le sixième article est écrit Khalupaçvâḍdhaktim̃kaḥ ; c’est le cinquième de la liste de M. A. Rémusat, et ce savant le regarde comme relatif à l’injonction qui défend au Religieux de manger plus des deux tiers de la part d’aumônes qu’il a

  1. Clough, Singhal. Diction., p. 394, col. 2.