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DU BOUDDHISME INDIEN.

En résumé, nos deux listes, celle du Foe koue ki et celle du Phâṭimokkha pâli, ne diffèrent qu’en ce qui touche les titres de quelques sections. Une différence qui est plus importante, c’est que le traité des Chinois renferme deux cent cinquante règles, tandis que le Phâṭimokkha pâli n’en compte que deux cent quatorze, ou plus exactement deux cent vingt-sept, en y comprenant les treize règles de la deuxième section dite Sam̃ghâdisesa. Quoi qu’il en soit de ce point sur lequel je me propose de revenir plus tard, quand je traiterai de la collection singhalaise, il n’était pas inutile de jeter ce coup d’œil rapide sur le principal des livres de la Discipline. La restitution des transcriptions chinoises rend désormais fort probable cette supposition, qu’il existe dans la collection du Nord un Pratimôkcha qui n’est pas essentiellement différent du Phâṭimokkha des Singhalais. Cette supposition devient presque une certitude, quand on compare l’expression de Çikchâpada, c’est-à-dire « les préceptes de l’enseignement, » si fréquemment usitée dans les textes du Népâl, avec celle de Sikkhâpada, qui n’est pas moins commune dans ceux de Ceylan. Le curieux procès-verbal du premier concile où ont été rassemblées les écritures canoniques, qu’un commentateur buddhiste nous a conservé, nous apprend qu’on donna le nom générique de Sikkhâpada à la plus grande partie des règles de la Discipline[1]. Or le terme pâli sikkhâpada est la transformation régulière du sanscrit çikchâpada, que je ne trouve défini nulle part dans les livres du Népâl, mais auquel je n’hésite à faire l’application du sens que le terme de sikkhâpada possède chez les Singhalais. Maintenant, comme ces préceptes de l’enseignement embrassent, au rapport des Buddhistes du Sud, la plus grande partie des ordonnances de la Discipline, j’en conclus que le livre nommé dans le Nord Pratimôkcha renferme les mêmes matières que celui qu’on connaît à Ceylan sous le titre de Phâṭimokkha.

Je ne dois pas quitter ce sujet sans dire quelques mots de l’extrait qu’a donné M. A. Rémusat d’un livre curieux intitulé Chi eul theou tho king, « le livre sacré des douze observances[2]. » Ce livre n’est, selon toute apparence,

    Le sens de discussion mène tout droit à celui de dispute. (Turnour, Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 736.)

  1. M. Turnour a le mérite d’avoir donné une excellente traduction de ce morceau capital, sur lequel je reviendrai plus tard en parlant de la collection singhalaise. (Examin. of the Pâli Buddh. Ann., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 519 et 520.) Quand j’ai traduit le Sûtra de Mândhâtri (ci-dessus, Sect. II, p. 65 sqq. et p. 71, note 2), je n’étais pas fixé sur la signification précise du terme de çikchâpada, que je rendais par « axiomes de l’enseignement, » lui donnant un sens philosophique. Les rapprochements exposés dans mon texte tendent à prouver que cette expression s’applique à la Discipline, et c’est là aujourd’hui mon sentiment. Je prie donc le lecteur de substituer le mot préceptes au mot axiomes dans quelques passages du Sûtra précité.
  2. Foe koue ki, p. 60 sqq.