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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


plus loin qu’elle le vit, elle courut à sa rencontre avec empressement, et s’écria : Ah ! voilà mon fils qui vient de bien loin. Mais la foule des êtres [composant cet univers] se disait : Ce mendiant est vieux, et cette femme est jeune ; comment peut-elle être sa mère ? Le respectable Mahâ Mâudgalyâyana leur dit alors : Les éléments dont se compose mon corps ont été produits par cette femme ; c’est pour cela qu’elle est ma mère. Alors Bhagavat connaissant l’esprit, les dispositions, le caractère et le naturel de Bhadra kanyâ, exposa l’enseignement de la Loi fait pour donner l’intelligence des quatre vérités sublimes ; de telle sorte qu’aussitôt que Bhadra kanyâ l’eut entendu, fendant avec la foudre de la science la montagne d’où l’on croit voir que c’est le corps qui existe, et qui s’élève avec vingt sommets, elle vit face à face la récompense de l’état de Çrôta âpatti. Aussitôt qu’elle eut vu la vérité, elle chanta trois fois les actions de grâces [rapportées ci-dessus jusqu’à] : Nous sommes établies au milieu des Devâs et des hommes. Et elle ajouta :

Elle est fermée par ton pouvoir la redoutable voie des mauvaises existences, que remplissent de nombreuses misères. Elle est ouverte la pure voie du Ciel, et je suis entrée dans le chemin du Nirvâṇa.

Débarrassée de mes péchés, ô toi dont la vue est si pure, parce que je me suis réfugiée auprès de toi, j’ai acquis aujourd’hui la pureté ; j’ai obtenu la dignité désirée que recherchent les Aryas ; j’ai atteint à l’autre rive de l’Océan des douleurs.

Ô toi qui dans le monde es l’objet des hommages des Dâilyas, des hommes et des Immortels ; toi qui es affranchi de la naissance, de la vieillesse, des maladies et de la mort ; toi dont la vue est difficile à obtenir, même au bout de mille naissances, ô solitaire ! le bonheur que j’ai de te voir porter aujourd’hui ses fruits.

Je suis arrivée à l’éminence, ô seigneur ; je suis arrivée à la supériorité ; je me réfugie auprès de Bhagavat, auprès de la Loi, auprès de l’assemblée des Religieux ; reçois-moi donc au nombre de tes fidèles, moi qui à partir d’aujourd’hui, tant que je vivrai, tant que je conserverai le souffle de la vie, chercherai un asile auprès de toi, et qui éprouverai pour toi des sentiments de bienveillance. Que Bhagavat m’accorde aujourd’hui la faveur d’accepter le repas de l’aumône, avec l’Ârya Mahâ Mâudgalyâyana ! Bhagavat accueillit par son silence les paroles de Bhadra kanyâ. Alors celle-ci, voyant que Bhagavat et que Mahâ Mâudgalyâyana étaient commodément assis, les satisfit, en leur présentant de ses propres mains des aliments et des mets agréables, préparés purement, dont elle énumérait les qualités. Quand elle vit que Bhagavat avait mangé, qu’il s’était lavé les mains et que son vase était enlevé, elle prit un siége très-bas et s’assit en face de Bhaga-