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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Quelques-uns s’avancent, montés sur de belles formes de lions, de tigres, d’éléphants, de chevaux, de serpents, de buffles ; d’autres portés sur des palais divins de pierreries, sur des montagnes, sur des arbres, sur des chars peints de diverses couleurs et resplendissants. Quelques-uns s’avancent au milieu de l’atmosphère, semblables à des nuages parés d’une traînée d’éclairs. Ils s’empressent d’arriver, à l’aide de leur puissance surnaturelle, pleins de joie, comme s’ils se rendaient à la ville des Dêvas.

Quelques-uns s’élancent du sein de la terre entr’ouverte ; d’autres descendent du haut de l’atmosphère ; d’autres enfin sortent miraculeusement de leurs siéges ; voyez l’énergie des êtres doués d’une puissance surnaturelle !

Cependant Bhagavat ayant lavé ses pieds en dehors du monastère, entra dans le Vihâra ; puis s’étant assis sur le siége qui lui était destiné, il tint son corps parfaitement droit, et ramena sa mémoire devant son esprit. Ensuite Bhagavat posa avec intention son pied dans la salle des parfums[1], et aussitôt la terre trembla de six manières différentes. La grande terre remua et trembla, elle fut agitée et secouée, elle bondit et sauta. L’orient se souleva, l’occident s’abaissa ; l’occident se souleva, l’orient s’abaissa ; le midi se souleva, le nord s’abaissa ; le nord se souleva, le midi s’abaissa ; les extrémités se soulevèrent, le milieu s’abaissa ; le milieu se souleva, les extrémités s’abaissèrent.

Le roi demanda en conséquence au respectable Pûrṇa : Pûrṇa l’Âria, qu’est-ce que ceci ? Grand roi, reprit Pûrṇa, Bhagavat vient de poser avec intention son pied dans la salle des parfums ; voilà pourquoi la terre a tremblé de six manières différentes. Ensuite Bhagavat produisit une splendeur qui avait la couleur d’une lumière d’or, et dont l’effet fut de donner au Djambudvîpa l’éclat de l’or fondu. Ouvrant les yeux de surprise, le roi demanda de nouveau à Pûrṇa : Qu’est-ce que ceci, ô Pûrṇa l’Ârya ? Grand roi, reprit Pûrṇa, c’est Bhagavat qui produit une splendeur qui a la couleur d’un mirage d’or.

Ensuite Bhagavat, discipliné, avec une suite de personnages disciplinés comme lui ; calme, avec une suite de personnages calmes comme lui, accompa-

  1. Je traduis littéralement le composé Gandha kûṭî ; la version tibétaine remplace ce mot par dri-gtsang-khang, expression qui, suivant Csoma, signifie a holy place, a chapel, et qui se traduit littéralement « la pure maison des odeurs. » Il est probable que c’est la chapelle où l’on brûle des parfums en l’honneur du Buddha, comme cela a lieu depuis longtemps en Chine. (A. Rémusat, Foe koue ki, p. 41.) Mais ce qui est vrai des temps postérieurs à l’établissement du culte de Çâkyamuni Buddha est peut-être moins exact pour l’époque où il vivait. Je suppose donc que la salle nommée dans les Vihâras Gandha kûṭi était, pendant que Çâkya vivait, celle où il prenait son logement ; et je suis confirmé dans cette opinion par la traduction que donne Clough de ce terme : « la résidence du Buddha. » (Singh. Dict., t. II, p. 165, col. 2.) Après la mort de Çâkya, on dut placer dans la chambre où il se tenait d’ordinaire une statue qui le représentait, et devant laquelle on brûlait des parfums. C’est de cette salle qu’il est ici question.