Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

seigneur, reprit Ânanda pour exprimer son assentiment à Bhagavat ; et ayant pris une baguette, il se tint debout devant lui. Bhagavat et les Religieux qui étaient Sthaviras parmi les Sthaviras en prirent chacun une aussi.

En ce moment le respectable Pûrṇa, le Sthavira de Kuṇḍôpadhâna[1], qui était affranchi par la science, se trouvait assis dans l’Assemblée. Il se mit donc en mesure de prendre aussi une baguette ; mais le respectable Ânanda lui adressa cette stance :

Ce n’est pas, ô respectable, dans la demeure du roi du Kôçala, ni dans la maison de Sudjâta, ni dans le palais de Mrĭgâra qu’on doit prendre le repas. La ville de Sûrpâraka est éloignée d’ici de plus de cent Yôdjanas ; c’est par des moyens surnaturels qu’il faut s’y rendre ; garde donc le silence, ô Pûrṇa.

Pûrṇa, qui était affranchi par la science, n’avait fait jusqu’alors aucun miracle qui attestât sa puissance surnaturelle. Aussi cette réflexion lui vint à l’esprit : Moi qui ai rejeté, repoussé, abandonné, chassé complètement la foule entière des corruptions, serais-je donc incapable de faire usage d’une puissance surnaturelle qui est commune chez les Tîrthikas ? Développant en conséquence son énergie et déployant sa puissance surnaturelle, il étendit un bras semblable à la trompe d’un éléphant, pour atteindre jusqu’à la place du troisième Sthavira [assis devant lui], auquel Ânanda ne donnait pas de baguette, et il en prit une lui-même ; puis il prononça cette stance :

Ce n’est ni par la renommée, ni par le savoir, ni par les qualités de la grandeur, ni par d’énergiques désirs que l’on obtient en ce monde, ô Gautama, la possession des six connaissances surnaturelles. Des êtres comme moi, des êtres parfaits, en qui l’âge a consumé la jeunesse, obtiennent ces connaissances par les énergies de la quiétude, de la morale, de la sagesse, et par les diverses énergies de la contemplation.

Alors Bhagavat s’adressa ainsi aux Religieux : Celui qui est le chef parmi mes Religieux est le premier à prendre la baguette du Tchâitya[2] qui appartient à mes Auditeurs. C’est pourquoi, entre ceux qui la prennent, c’est le

  1. Je considère le mot Kuṇḍôpadhûniyaka, épithète de ce Pûrṇa (qui n’est pas celui de la légende), comme un ethnique destiné à le distinguer de l’autre Pûrṇa. J’ignore où se trouve le lieu ainsi nommé ; les éléments de ce nom propre sont kuṇḍa (source d’eau) et upadhâna (ou upadhânîya), qui signifie ordinairement coussin, oreiller, et qui, d’après l’étymologie, doit exprimer d’une manière très-générale tout ce qui soutient et supporte. Si, comme je le pense, Kuṇḍôpadhâna est un nom de lieu, il doit signifier « le pays qui renferme des sources. » La version tibétaine favorise cette interprétation, puisqu’elle traduit l’épithète kuṇḍôpadhânîyaka par yul tchhu-mig-tchan-na gnas-pa ; ce qui veut dire, si je ne me trompe, « résidant au pays qui renferme des sources. » Dans la version tibétaine de l’histoire de Sumâgadhâ, ce mot est simplement transcrit de cette manière : Kun da ud pa da na.
  2. Voy. ci-dessus, p. 231, note 1.