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DU BUDDHISME INDIEN.

Quand la jouissance n’existe pas, le Religieux, ô Pûrṇa, qui ne ressent ni plaisir, ni passion, ni jouissance, est dit très-rapproché du Nirvâṇa. Il existe, ô Pûrṇa, des sons faits pour être perçus par l’ouïe, des odeurs faites pour l’être par l’odorat, des saveurs faites pour l’être par le goût, des touchers faits pour l’être par le corps, des lois faites pour l’être par le Manas, tous attributs qui sont désirés, recherchés, aimés, qui sont ravissants, qui font naître la passion, qui excitent les désirs. Si un Religieux, en voyant ces attributs, n’en est pas satisfait, et ainsi de suite comme ci-dessus, il est dit très-rapproché du Nirvâṇa[1].

Par cette exposition, ô Pûrṇa, je viens de t’instruire d’une manière abrégée. Où veux-tu maintenant habiter ? Où veux-tu fixer ton séjour ? — Par cette exposition, seigneur, répondit Pûrṇa, Bhagavat vient de m’instruire d’une manière abrégée ; je désire habiter, je désire fixer mon séjour dans le pays des Çrôṇâparântakas[2]. Ils sont violents, ô Pûrṇa, les hommes du Çrôṇâparânta ; ils sont emportés, cruels, colères, furieux, insolents. Lorsque les hommes du Çrôṇâparânta, ô Pûrṇa, t’adresseront en face des paroles méchantes, grossières et insolentes, quand ils se mettront en colère contre toi et qu’ils t’injurieront, que penseras-tu de cela ? — Si les hommes du Çrôṇâparânta, ô seigneur, m’adressent en face des paroles méchantes, grossières et insolentes, s’ils se mettent en colère contre moi et qu’ils m’injurient, voici ce que je penserai de cela : Ce sont certainement des hommes bons que les Çrôṇâparântakas, ce sont des hommes doux, eux qui m’adressent en face des paroles méchantes, grossières et insolentes, eux qui se mettent en colère contre moi et qui m’injurient, mais qui ne me frappent ni de la main ni à coups de pierres. — Ils sont violents, ô Pûrṇa, les hommes du Çrôṇâparânta, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] ils sont insolents. Si les hommes du Çrôṇâparânta te frappent de la main ou à coups

  1. J’ai complété la traduction de ce passage d’après la version tibétaine. Le texte sanscrit des deux manuscrits que j’ai sous les yeux se contente de dire : pûrvavat çuklapakchê, ce qui signifie : « comme ci-dessus, dans l’hypothèse favorable. »
  2. Ce nom de peuple est formé de deux mots : l’un est Aparânta, qui signifie « pays situé sur la frontière, mais en deçà, » par opposition à Parânta, « pays situé de l’autre côté de la frontière. » Ce sens a été parfaitement établi par Wilson. (Vichṇu purâṇa, p. 189, note 60.) Wilford cite, d’après le Varâha sam̃hitâ, des Aparântikas, qui sont placés à l’ouest, sans autre désignation plus précise. (Asiat. Researches, t. VIII, p. 339, éd. Calc.) L’autre mot, formant l’ethnique de notre texte, est Çrôṇa, que je ne me souviens pas d’avoir vu cité jusqu’ici comme nom de peuple. Je ne trouve que Çrôṇî, donné pour un fleuve dont le cours n’est pas indiqué. (Vichṇu purâṇa, p. 185, note 80.) On rencontre le terme de Aparânta cité dans les plus anciens monuments buddhiques, notamment dans les inscriptions dites d’Açôka (Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 244 et 267), et dans le Mahâvam̃sa (chap. XII, p. 73, éd. in-4°.) M. Wilson a rapproché du nom d’Aparânta les Aparitœ d’Hérodote, dont la position d’ailleurs n’est pas bien précisément déterminée. Le terme Sunâparânta existe dans la géographie barmane, mais c’est un nom imité de l’Inde.