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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

désert, à l’abri de toute distraction, attentif, appliqué et l’esprit recueilli. Lorsque j’aurai vécu retiré dans la solitude, à l’abri de toute distraction, attentif, appliqué et l’esprit recueilli, puissé-je, après avoir reconnu immédiatement par moi-même, après avoir vu face à face ce but suprême de la vie religieuse, qui est que les fils de famille rasant leur chevelure et leur barbe et revêtant des vêtements de couleur jaune, quittent la maison avec une foi parfaite et embrassent la vie de mendiants ; puissé-je, dis-je, après avoir reçu l’investiture, faire embrasser aux autres la vie religieuse ! La naissance est anéantie pour moi ; j’ai rempli les devoirs de la vie religieuse ; j’ai accompli ce que j’avais à faire ; je ne connais pas d’autre état que celui où je me trouve.

Cela dit, Bhagavat parla ainsi au respectable Pûrṇa : Bien, bien, Pûrṇa ; il est bon que tu aies dit comme tu viens de le faire : Que Bhagavat consente à m’enseigner la Loi en abrégé, jusqu’à : je ne connais pas d’autre état que celui où je me trouve. Écoute donc, ô Pûrṇa, et grave bien et complètement dans ton esprit ce que je vais dire. Il existe, ô Pûrṇa, des formes faites pour être perçues par la vue, formes qui sont désirées, recherchées, aimées, qui sont ravissantes, qui font naître la passion, qui excitent les désirs. Si un Religieux, à la vue de ces formes, en est satisfait, s’il les recherche, s’il ressent de l’inclination pour elles, s’il s’y complaît, alors le résultat de ces divers mouvements est qu’il a du plaisir. Dès que le plaisir existe, aussitôt paraît avec le plaisir la satisfaction du cœur. Dès qu’avec le plaisir existe la satisfaction du cœur, aussitôt paraît la passion. Quand avec le plaisir existe la passion, aussitôt paraissent avec eux la jouissance. Le Religieux, ô Pûrṇa, qui ressent le plaisir, la passion et la jouissance, est dit très-éloigné du Nirvâṇa. Il existe, ô Pûrṇa, des sons faits pour être perçus par l’ouïe, des odeurs faites pour être perçues par l’odorat, des saveurs faites pour être perçues par le goût, des touchers faits pour être perçus par le corps, des lois (ou des conditions) faites pour être perçues par le Manas (le cœur ou organe interne), tous attributs qui sont désirés, recherchés, aimés, qui sont ravissants, qui font naître la passion, qui excitent les désirs. Si un Religieux, en voyant ces attributs, en est satisfait, et ainsi de suite comme ci-dessus, il est très-éloigné du Nirvâṇa. D’autre part, ô Pûrṇa, il existe des formes faites pour être perçues par la vue, formes qui sont désirées, recherchées, aimées, qui sont ravissantes, qui font naître la passion, qui excitent les désirs. Si un Religieux, à la vue de ces formes, n’en est pas satisfait, s’il ne les recherche pas, s’il ne se sent pas d’inclination pour elles, s’il ne s’y complaît pas, alors le résultat est qu’il n’a pas de plaisir. Quand le plaisir n’existe pas, alors n’existe ni le contentement, ni la satisfaction du cœur. Quand il n’existe ni contentement ni satisfaction du cœur, la passion n’existe pas. Quand il n’existe pas de passion, la jouissance n’existe pas.