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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

deux frères [en entendant ces paroles] se sentirent pleins d’envie. Ils se rendirent auprès du corps des négociants et leur apprirent ce qui s’était passé. Les marchandises sont vendues. — À qui ? — À Pûrṇa. — Ils perdront gros avec Pûrṇa ; nous enchérissons sur lui. — Vous ne donneriez pas même pour prix entier ce qu’il a donné pour arrhes. — Qu’a-t-il donc donné ? — Trois Laks de Suvarṇas. Tous, à ce récit, se sentirent pleins d’envie. Ils firent appeler Pûrṇa et lui dirent : Le corps des négociants est convenu de ce règlement : Personne ne doit aller acheter seul des marchandises, autrement le corps des négociants s’emparera de l’objet acheté. Pourquoi donc es-tu allé acheter seul ? Seigneurs, répondit Pûrṇa, quand vous avez arrêté ce règlement entre vous, m’en avez-vous prévenu, moi ou mon frère ? Vous avez pris cet arrêté entre vous seuls ; observez-le donc seuls aussi. Mais les négociants, pleins d’envie, le tinrent exposé à l’ardeur du soleil, pour le forcer à payer soixante Kârchâpaṇas. Les gens du roi virent ce qui se passait et vinrent le lui redire. Qu’on fasse venir ces négociants, dit le roi. Quand ils furent arrivés, le roi leur dit : Pour quelle raison tenez-vous Pûrṇa exposé à l’ardeur du soleil ? Seigneurs, répondirent-ils, le corps des marchands est convenu du règlement suivant : Personne ne doit aller acheter seul des marchandises ; celui-ci y est cependant allé seul. Pûrṇa dit alors : Ô roi, daignez leur demander si, quand ils ont arrêté leur règlement, ils en ont prévenu moi ou mon frère. Non, ils n’ont pas été prévenus, reprirent les négociants. Le roi dit alors : Pûrṇa parle bien. Aussi les marchands, pleins de honte, le relâchèrent-ils.

À quelque temps de là, il advint que le roi eut besoin d’un certain objet. Il fit appeler le corps des négociants et leur dit : Marchands, j’ai besoin de tel objet ; procurez-le-moi. C’est Pûrṇa qui le possède, dirent les négociants. Je n’ai rien à commander à Pûrṇa, reprit le roi ; c’est à vous à lui acheter cet objet, puis après vous me le fournirez. Ils envoyèrent en conséquence un messager à Pûrṇa pour lui dire : Pûrṇa, le corps des négociants désire te parler. Pûrṇa répondit : Je n’irai pas. Les négociants s’étant réunis tous en corps, se rendirent à la maison de Pûrṇa, et se tenant à sa porte, ils lui envoyèrent un messager pour lui dire : Sors, Pûrṇa ; le corps des négociants est à ta porte. Alors Pûrṇa, qui se sentait orgueilleux, sortit, fier de ne faire que ce qu’il voulait. Le corps des négociants lui dit alors : Chef des marchands, donne-nous ta marchandise au prix que tu l’as achetée. Je serais un habile marchand, reprit Pûrṇa, si je donnais ma marchandise pour le prix qu’elle m’a coûté ! Donne-nous-la pour le double, dirent les marchands ; le corps des négociants est respecté. Pûrṇa réfléchit : Le corps des négociants est honorable ; je la leur donnerai à ce prix. Pûrṇa leur abandonna donc sa marchandise pour le