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DU BUDDHISME INDIEN.

rendit en toute hâte à la maison et dit : Femme de mon frère aîné, sors d’ici. Elle sortit, et le frère ajouta : Tu n’entreras plus ici. — Et pourquoi ? — C’est que nous avons fait le partage. Celui qui eut la boutique et les biens situés hors du pays se rendit en toute hâte à la boutique et dit : Pûrṇa, descends. Pûrṇa descendit, et le frère ajouta : Tu ne remonteras plus ici. — Pourquoi ? — C’est que nous avons fait le partage de notre bien.

Cependant la femme de Bhavila se retira, ainsi que Pûrṇa, dans la maison d’un parent. Ses enfants, qui avaient faim, se mirent à pleurer. La mère dit alors à Pûrṇa : Donne à ces enfants leur premier repas. Donne-moi un Kârchâpana, reprit Pûrṇa. Comment, dit la mère, toi qui as su gagner tant de Laks de Suvarnas, tu n’as pas même un premier repas à donner à ces enfants ! Est-ce que je savais, reprit Pûrṇa, que votre maison allait se trouver ainsi divisée ? Si je l’avais su, je n’aurais pas manqué d’emporter plusieurs Laks de Suvarnas. C’est l’usage que les femmes attachent à l’extrémité de leur vêtement des Kârchâpaṇas d’airain[1]. La mère remit à Pûrṇa un Mâchaka d’airain et lui dit : Va chercher de quoi faire le premier repas. Pûrṇa prenant la pièce de monnaie, se rendit au marché. Il s’y trouvait un homme qui, portant une charge de bois jetée par la mer sur le bord du rivage, avait été saisi par le froid et s’en allait tout tremblant. Pûrṇa le vit et lui demanda : Eh ! l’ami, pourquoi trembles-tu ? L’homme reprit : Je n’en sais rien ; seulement, à peine ai-je eu chargé ce fardeau sur mes épaules, que je me suis senti dans cet état. Pûrṇa, qui était expert à reconnaître les bois, se mit à examiner celui que portait l’homme, et reconnut que c’était du bois de santal de l’espèce nommée Gôçîrcha[2]. Il dit alors au porteur : Ami, pour quel prix donnerais-tu ce morceau de bois ? Pour cinq cents Kârchâpaṇas, reprit-il[3]. Pûrṇa lui prit sa charge pour ce prix ; et l’ayant emportée, il s’en alla au marché et en coupa avec une scie quatre morceaux. Il les vendit ensuite mille Kârchâpaṇas[4] à un acheteur qui en voulait faire de la poudre odorante. Sur ces mille Kârchâpaṇas, il en remit cinq cents au porteur, et il lui dit : La femme de Bhavila réside dans une telle maison ; va lui porter ce morceau de bois et dis-lui : Voilà ce que Pûrṇa

  1. Il y a ici entre le texte sanscrit et la version tibétaine une divergence qu’il faut noter ; au lieu de : « des Kârchâpaṇas d’airain, » le tibétain dit : « de faux Mâchakas. » Cette version a l’avantage d’être plus conséquente ; car si ce sont des Mâchakas que les femmes attachent à l’extrémité de leur vêtement, il est naturel que la mère remette une de ces pièces à Pûrṇa ; je n’ai cependant rien voulu changer à l’énoncé du texte sanscrit, parce qu’il indique le métal grossier dont était formée la pièce.
  2. Littéralement « tête de vache. » Voyez sur cette dénomination une note à la fin de ce volume, Appendice n° V.
  3. C’est-à-dire pour environ 28 francs 45 centimes.
  4. Environ 56 francs 90 centimes.