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DU BUDDHISME INDIEN.


indique-moi des médicaments qui ne coûtent pas cher[1]. Le médecin lui indiqua ce qui était nécessaire, en disant : Voici le médicament bon pour le malade. La jeune fille, prenant quelque chose sur ses provisions personnelles et faisant quelques larcins à la maison de son maître, se mit à le soigner. Bhava revint à la santé et fit cette réflexion : J’ai été délaissé par ma femme et par mes enfants mêmes ; si je vis, je le dois à cette jeune fille ; il faut que je témoigne ma reconnaissance à mon esclave pour ce service. Il lui dit donc : Jeune fille, j’ai été abandonné par ma femme et par mes enfants eux-mêmes ; tout ce que j’ai de vie, je le dois à tes soins ; je veux t’offrir un don. La jeune fille répondit : Maître, si tu es satisfait, consens à avoir commerce avec moi. — Pourquoi, dit le maître, désirer que j’aie commerce avec toi ? Je te donne cinq cents Kârchâpaṇas, et je t’affranchis[2]. La jeune fille répondit : Fils de mon maître, quand je devrais vivre encore longtemps[3], je ne serais jamais qu’une esclave ; mais si le fils de mon maître a commerce avec moi, je cesse d’être esclave aussitôt. Voyant que la détermination de la jeune fille était irrévocable, le maître de maison lui répondit : Lorsque tu seras dans la saison convenable, tu m’en avertiras. Au bout de quelque temps la jeune fille ayant eu ses mois, avertit son maître qu’elle était dans la saison convenable. Bhava le maître de maison eut donc commerce avec elle, et elle devint enceinte. Or à partir du jour où elle devint enceinte, toutes les entreprises et toutes les affaires de Bhava le maître de maison réussirent parfaitement.

Au bout de huit ou neuf mois l’esclave mit au monde un fils, beau, agréable à voir, ravissant, ayant le teint blanc et la peau de couleur d’or ; sa tête avait la forme d’un parasol ; ses bras étaient longs, son front large, ses sourcils réunis, son nez proéminent. Le jour où cet enfant vint au monde, les entreprises et les affaires de Bhava le maître de maison réussirent d’une manière extraordinaire. Les parents s’étant réunis au bout de trois fois sept ou vingt et un

  1. Je traduis ainsi la leçon dont la version tibétaine fait supposer l’existence : alpamûlâni bhâichadjyâni, car cette version rend ainsi ce passage : « des médicaments à bon marché. » Nos deux manuscrits lisent asya mûlyâni bhâichadjyâni vyapadiça, ce qui signifie : « indique-moi pour lui des médicaments précieux. » Je n’hésite pas à préférer la version tibétaine, d’autant plus que alpa a pu fort aisément être confondu avec asya.
  2. Les cinq cents Kârchâpaṇas, au taux de 11 grammes 375 milligrammes de cuivre le Kârchâpaṇa, représentent environ 28 francs 45 centimes.
  3. Le manuscrit de la Société Asiatique dit avec un peu plus de mots : Dûram api param api gaivâ dâsyêvâham. « Que j’aille même loin, même ailleurs, je ne suis qu’une esclave. » Mon manuscrit lit seulement dûram api gatvâ, « quand je devrais aller bien loin. » La version tibétaine part peut-être d’un original où on lisait dûram api pâram gatvâ, ces deux derniers mots voulant dire : « ayant franchi la rive ; » car cette version ainsi conçue : Bdag rgyangs bkumpar mtchhis, semble signifier : « quand je ne devrais mourir que d’ici à longtemps. » C’est dans ce sens que j’ai traduit, mais en suivant la leçon de mon manuscrit.