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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

avec l’extérieur décent de Religieux qui auraient reçu l’investiture depuis cent ans. Approchez, leur dit [encore] le Tathâgata ; et rasés, le corps couvert du vêtement religieux, sentant les vérités porter le calme dans tous leurs sens, ils se tinrent debout, puis s’assirent avec la permission du Buddha[1].

Ensuite Bhagavat, honoré, respecté, vénéré, adoré avec des hommages tels qu’en rendent les hommes et les Dieux ; entouré de personnages vénérables comme lui ; suivi de sept espèces de troupes et d’une grande foule de peuple ; Bhagavat, dis-je, se rendit au lieu où se trouvait l’édifice élevé pour lui ; et quand il y fut arrivé, il s’assit en face de l’Assemblée des Religieux, sur le siége qui lui était destiné. Aussitôt du corps de Bhagavat s’échappèrent des rayons, qui éclairèrent la totalité de l’édifice d’une lumière de couleur d’or. En ce moment Lûha sudatta, le maître de maison, s’étant levé de son siége, ayant rejeté sur une épaule son vêtement supérieur et posé à terre son genou droit, dirigea vers Bhagavat ses mains réunies en signe de respect, et lui parla ainsi : Que Bhagavat modère son ardeur ; je lutterai avec les Tîrthyas dans l’art d’opérer, à l’aide d’une puissance surnaturelle, des miracles supérieurs à ce que l’homme peut faire ; je confondrai les Tîrthyas par la loi ; je satisferai les Dêvas et les hommes ; je comblerai de joie les cœurs et les âmes des gens de bien. — Ce n’est pas toi, maître de maison, qui as été provoqué par eux à faire des miracles, mais bien moi qui l’ai été. C’est moi qui dois, à l’aide de ma puissance surnaturelle, opérer des miracles supérieurs à ce que l’homme peut faire. Il ne serait pas convenable que les Tîrthyas pussent dire : Le Çramaṇa Gâutama n’a pas, pour opérer des miracles supérieurs à ce que l’homme peut faire, la puissance surnaturelle que possède un de ses Auditeurs, un maître de maison, qui porte un vêtement blanc[2]. Va t’asseoir, maître de maison, sur ton siége ! Lûha sudatta se rassit en effet sur son siége. La prière qu’il avait exprimée le fut également par Kâla, le frère du roi ; par Rambhaka, le serviteur de l’ermi-

  1. Je ne suis pas sûr d’entendre ce passage, où se trouve une négation qui n’est pas dans la version tibétaine, telle que la donne un passage de l’histoire de Pûrṇa, laquelle sera traduite plus bas : Nâiva sthitd Buddhamanôrathêna, ce qui semble signifier : « Ils ne restèrent pas debout, conformément au désir du Buddha. » La version tibétaine s’exprime ainsi : Sangs-rgyas-dgongs-pas lus-gzugs-bkab-par-gyur, ce qui paraît signifier : « Avec la permission du Buddha, ils couvrirent leur corps. »
  2. C’est là une expression tout à fait caractéristique, et qui ne peut bien se comprendre que si l’on se rappelle que les Religieux buddhistes devaient porter un vêtement teint en jaune au moyen d’une terre ocreuse. Ce détail est exposé avec beaucoup d’intérêt dans le célèbre drame du Mrĭtch tchhakaṭî. (Act. VIII, p. 213 et 216, édit. Calc.) Le texte désigne la couleur en question par le mot kachâya, « jaune brun, » celui même qu’emploient nos légendes buddhiques. On voit par notre Sûtra que le blanc était la couleur du vêtement des personnes laïques, comparé à celui des Religieux, qui était jaune ; et ce passage jette du jour sur un récit de l’histoire singhalaise, d’après lequel un roi qui veut dégrader des Religieux coupables les dépouille de leur manteau