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DU BUDDHISME INDIEN.

est tellement bien établie, qu’elle est admise par Çâkya lui-même, ainsi que par ses disciples, et qu’elle ne devient l’objet d’observations spéciales que quand elle fait obstacle à la prédication du Buddha. Les Brâhmanes sont ceux dont le nom se représente le plus souvent ; ils figurent dans presque tous les Sûtras, et toujours leur supériorité sur les autres castes est incontestée[1]. Ils se distinguent par leur savoir et par leur amour pour la vertu. On en voit qui, parvenus au rang de Rĭchis ou de sages, vivent au milieu des forêts[2], ou dans les cavernes des montagnes[3]. Ils s’y livrent à de rudes pénitences, les uns couchés sur des lits hérissés de pointes aiguës, ou sur de la cendre ; les autres tenant, pendant toute leur vie, les bras levés au-dessus de leur tête ; quelques-uns assis, en plein soleil, au milieu de quatre brasiers ardents[4]. Ils récitent les Mantras brâhmaniques et les enseignent à leurs disciples[5]. C’est là leur plus noble fonction, celle qui appartient en propre à leur caste. Les Sûtras nous offrent plusieurs exemples de Brâhmanes instruits dans les sciences indiennes, et ils nous apprennent ainsi quelles étaient ces sciences. Je ne citerai qu’un seul de ces passages, parce que c’est le plus caractéristique de tous. Un Brâhmane de Çrâvastî avait élevé son fils aîné dans les connaissances et dans les pratiques brâhmaniques. Il lui avait enseigné les quatre Vêdas, le Rĭtch, le Yadjus, le Sâman et l’Atharvan[6] ; il lui avait appris la pratique des sacrifices qu’on célèbre pour soi, ou qu’on fait célébrer aux autres, ainsi que la lecture du Vêda, qu’on étudie soi-même, ou qu’on fait étudier à un disciple ; et grâce à cet enseignement, le jeune homme était devenu un Brâhmane

    M. Schmidt avait, d’après les écrivains mongols, établi ce point comme un fait désormais à l’abri de toute contestation. (Mém. de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, t. I, p. 119.)

  1. Je citerai entre autres les Sûtras et Avadânas intitulés : Çârdûla karṇa, Brâhmaṇa dârikâ, Stuti Brâhmaṇa, Indra Brâhmaṇa, Dharma rutchi, Djîjôtichka, Sahasôdgata, Tchandra prabha, Sam̃gha rakchita, Nâga kumâra, Pâm̃çu pradâna, Rûpavatî, Mâkandika, Tchandra, et dans l’Avad. çat. Upôchadha, Sôma, Râchṭra pâla, Subhûti.
  2. Pûrṇa, dans Divya avad., f. 23 a et 24 a. Rûpavatî, ibid., f. 215 a. Subhûti, dans Avad. çat., f. 221 a.
  3. Prâtihârya, dans Divya avad., f. 74 a.
  4. Pâm̃çu pradâna, ibid., f. 174 a. Vîtâçôha, ibid., f. 205 a. Rûpavatî, ibid., f. 215 a.
  5. Mâitrêya, ibid., f. 29 a. Cela est positivement affirmé de Çâriputtra, fils de Tichya, Brâhmane, habitant Nâlanda près de Râdjagrĭha : Gurukulê Vêdamantrân adhîyati, « il lit les Mantras des Vêdas dans la maison de son précepteur spirituel. » (Mahâvastu, f. 264 a de mon man.). On voit par cet exemple (et j’en pourrais citer beaucoup d’autres semblables) qu’il n’est pas exact de dire, comme l’a fait M. Schmidt, que les anciens Sûtras buddhiques ne citent pas les Vêdas, et n’y font pas même la moindre allusion. (Mém. de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 43.) Mais cette assertion peut être vraie quand on parle des Sûtras développés, qui, suivant les remarques exposées plus haut, sont beaucoup plus vides de détails historiques. Voyez encore une autre mention des Vêdas dans l’analyse de la traduction tibétaine du Vinaya par Csoma. (Asiat. Res., t. XX, p. 85.)
  6. Tchûḍâ pakcha, dans Div. avad., f. 276 b.