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sible qu’en Italie, parce que là seulement le paysan (aussi bien que le colon propriétaire) avait rang d’homme, qu’il était libre de sa personne, et non attaché à la glèbe, quelque dure que fût parfois sa condition [1]. La différence entre la ville et le village est beaucoup moins profonde que dans le Nord ; une foule de petites villes sont habitées exclusivement par des paysans qui, le soir venu, peuvent se dire citadins. Les migrations des maçons du pays de Côme s’étendirent presque à travers toute l’Italie ; le petit pâtre pouvait quitter ses brebis pour entrer dans uue corporation à Florence ; en général, il y avait un courant continu qui entraînait les habitants de la campagne vers les villes, et certaines populations montagnardes semblaient particulièrement faites pour ce genre d émigration [2] Sans doute l’infatuation naturelle au citadin fait que les poètes et les nouvellistes s’égayent aux dépens du villano [3], et la comédie improvisée (p. 46, ss.) fait le reste. Mais où trouverait-on un souffle de cette haine de race contre les vilains, haine à la fois cruelle et méprisante, qui anime les nobles poëtes provençaux et parfois les chroniqueurs français ? Bien plus [4] ,

  1. Mais, en général, l’aisance des paysans italiens était plus grande alors que celle des paysans de n’importe quel autre pays. comp. Sacchetti, nov. 88 et 222 ; L. Pdlci, dans la Beea da Diei>mano,{Nit-LARI, Mfuhiavelli, I, 198, note 2.)
  2. Nullum est hominum genus aptius urbi, dit Battista MANTOVANO (Ed., VIII) des habitants du Monte Baldo et de la Val Sassina, qu’on peut employer â toute e.spèce de besogne. On sait que certaines populations de la campagne ont encore aujourd’hui dans quelques grandes villes la spécialité de certaines occupations.
  3. Un des passages les plus forts est peut-être celui qui se trouve dans l‘Orlandino, chap. v, str. 54-58. Même le très-placide Vesp. Bisticci dit quelque part (Comp. tulla vita di Giov. Mannetti, p. 96) ; Sono dua ttpesie di uomini difficili a sopportare per ia loro ignoranza, luna sono i servi, la seconda i contadini.
  4. Dans la Lombardie, les gentilshommes ne craignaient pas, au commencement du seizième siècle, de danser, de lutter, de sauter