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matériels et ne laisse deviner l’âme du personnage que par la manière de les présenter[1]. On dirait que la Vita nuova de Dante, avec son implacable vérité, ail ouvert à la nation cette voie nouvelle.

Les premiers travaux de ce genre sont des histoires de familles italiennes du quatorzième et du quinzième siècle, qui se trouvent, dit-on, en assez grand nombre dans les bibliothèques de Florence ; ce sont des biographies naïves, écrites dans l’intérêt de la famille et de l’auteur, comme, par exemple, celle de Buonaccorso Pitti.

Il ne faut pas chercher dans les commentaires de Pie II une critique profonde ; ce que ces mémoires nous apprennent de l’homme lui-même se borne, même à première vue, à l’exposé de la manière dont il a fait sa carrière. Mais, en y réfléchissant, on jugera plus favorablement ce livre remarquable. Il y a des hommes qui reflètent, pour ainsi dire, ce qui les entoure ; c’est être injuste à leur égard que de s’obstiner à vouloir connaître leurs convictions, leurs luttes intérieures et les secrets de leur être moral. C’est ainsi que Sylvius Ænéas est entièrement dominé par les faits matériels, sans se préoccuper des dissonances morales dont sa vie est pleine ; de ce côté-là il était largement couvert par son orthodoxie. Et après avoir vécu au milieu de toutes les questions intellectuelles que son siècle a agitées, après avoir contribué lui-même aux progrès de l’esprit humain, il garde pourtant à la fin de sa carrière assez de tempé-

  1. Il y a pourtant des exceptions : des lettres d’U. de Hutten, qui contiennent des fragments autobiographiques, des chapitres de la chronique de Barthélémy Sastrow et de Jean Kessler Sabbata nous initient parfaitement aux luttes intérieures des personnages qui parlent, luttes qui sans doute n’ont pas un caractère humain en général, mais qui sont particulièrement religieuses et qui ont pour objet la Réforme,