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objet ; mais peut-être serait-il resté au-dessous de sa tâche s’il avait eu à peindre uue plus grande figure, tandis qu’il suffit largement à décrire le caractère mêlé de Philippe-Marie et qu’il s’entend à exposer avec une rare précision les formes et les conséquences d’un genre de tyrannie déterminé. L’image du quinzième siècle serait incomplète sans cette biographie unique dans son genre, qui est caractéristique jusque dans les détails les plus minutieux. — Plus tard Milan possède dans l’historien Corio un peintre de portraits remarquable ; ensuite vient Paul Jove de Côme, dont les grandes Biographies et les petits Éloges ont une réputation universelle et ont servi de modèles aux écrivains de tous les pays. Il est facile de constater dans maint passage la légèreté de Paul Jove, souvent même, moins fréquemment cependant qu’on ne le suppose, sa mauvaise foi ; du reste, il ne faut pas chercher dans un homme comme lui une pensée vraiment sérieuse et élevée. Mais l’âme de son siècle respire dans son livre ; son Léon, son Alphonse, son Pompée Colonna vivent et se meuvent devant nous ; ils sont la réalité même, bien que l’auteur ne nous fasse pas pénétrer dans les profondeurs de leur être.

Parmi les Napolitains, Tristan Caracciolo (t. I, p. 44, note 1) occupe sans contredit le premier rang, autant que nous pouvons en juger, bien qu’il ne prétende pas être un biographe dans le sens rigoureux du mot. Chez les personnages qu’il décrit, les crimes volontaires et la fatalité se mêlent d’une manière bizarre ; on pourrait l’appeler un tragique inconscient. La véritable tragédie, qui ne trouvait alors point de place sur la scène, se déroulait, solennelle et terrible, dans les palais, dans les rues» sur les places publiques. — Les « Dits et faits