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dont je parle aurait pu amener d’heureux changements. Bientôt après 1620 le triomphe de la langue maternelle dans la tragédie et la comédie n’était-il pas peu à peu décidé, au grand déplaisir des humanistes [1]? De ce côté, la nation la plus avancée de l’Europe n’aurait plus rencontré d’obstacle s’il s’était agi de faire du drame, pris dans le sens le plus élevé du mot, l’image idéalisée de la vie humaine. C’est l‘inquisition, ce sont les Espagnols qui ont intimidé le génie italien et qui ont rendu impossible la représeutation dramatique des conflits les plus vrais et les plus grands, surtout sous la forme de souvenirs nationaux. Un autre fléau, c’étaient ces fâcheux intermèdes dont nous avons parlé et que nous allons examiner de plus près.

Lors de la célébration du mariage du prince Alphonse de Ferrare avec Lucrèce Borgia, le duc Hercule en personne montra aux invités les cent dix costumes qui devaient servir à la représentation de cinq pièces de Plaute, afin de leur faire voir qu’aucun ne figurerait deux fois [2]. Mais qu’était ce luxe de taffetas et de camelot à côté de celui qu’on déployait dans les ballets et dans les pantomimes qu’on exécutait à dire d’entr’actes des pièces de Plaute ? À côté de ces divertissements, Plaute devait paraître mortellement ennuyeux à une dame jeune et vive comme Isabelle de Gonzague ; pendant le drame, chacun soupirait après les entr’actes : rien de plus naturel, si l’on considère l’éclat et la variété de

  1. Paul Jovius, Dialog, de viria lit, illuttr., daus Tiraboschi, t. Vit, TI. — Lil. Greg. GyraldüS, Depoetis noatri temp.
  2. Isabelle de Gonzague à son mari, 3 févr. 1502, Arck. stor., Append., II, p. 306 SS. Comp. dans Gregoroviüs , Lucrèce Borgia, 3* éd., t. l, p. 255-266. Dans les mystères français, les actuurs eux-mêmes défilaient avant le spectacle ; c’est ce qu’on appelait « la montre ».