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moderne ; mais l’Italie était si attachée aux mystères, elle dépensait tant d’art et tant d’argent pour leur mise en scène que l’élément dramatique devait nécessairement en souffrir. De toutes ces innombrables et coûteuses représentations ne sortit pas même un genre poétique comme les Autos sagramentales de Calderon et d’autres poëtes espagnols, à plus forte raison un avantage ou un point d’appui pour la scène profane[1].

Lorsque, malgré tout, cette dernière se fit jour, elle fut envahie par le luxe auquel on ne s’était que trop habitué à la suite des mystères. On est surpris d’apprendre quelle richesse, quelle profusion de décors la scène italienne étalait, alors que dans le Nord on se contentait encore de la simple indication du lieu de la scène. Mais cela n’aurait peut-être pas suffi pour arrêter l’essor de l’art dramatique en Italie si la représentation elle-même n’avait pas détourné l’esprit de la valeur poétique de la pièce, soit par la magnificence des costumes, soit surtout par des intermèdes variés.

Le fait que dans beaucoup d’endroits, notamment à Rome et à Ferrare, on jouait les comédies de Plaute et de Térence, et même des pièces des tragiques anciens (t. I. p. 300, 817), tantôt en latin, tantôt en italien ; que les académies de ces villes prenaient à tâche de ressusciter les auteurs dramatiques de l’antiquité ; enfin que les poëtes de ta Renaissance eux-mêmes dépendaient de ces modèles plus que de raison ; ce fait contribua certainement aussi à maintenir le drame italien dans un état d’infériorité. Pourtant je ne lui attribue qu’une valeur secondaire. Si la contre-réformation et la domination étrangère n’étaient survenues, le désavantage

  1. Compar. les opinions contraires à celles qui sont exprimées ici dans Grecorovius, Hist. de Rome, VII, 619.