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trap intelligents et trop fiers pour adorer, pour déifier un pouvoir illégilirae et tyrannique [1]. Il ne s’agit donc que de la courte période où fleurit le théâtre anglais. On pourrait répondre que tout le reste de l’Europe n’a produit qu’un Shakespeare, et qu’un génie de cette taille est généralement un rare présent du ciel. D’autre part, le théâtre italien était peut-être sur le point de jeter un vif éclat lorsque le contre-coup de la Réforme se fit sentir et que, arrivant en même temps que la domination espagnole (qui s’étendait sur Naples, sur Milan et indirectement sur presque toute l’Italie), la réaction brisa ou dessécha les plus belles fleurs de l’esprit italien. Qu’on se figure Shakespeare lui-même sous un vice-roi espagnol ou dans le voisinage du saint-office qui fonctionne à Rome, ou même qu’on se le représente un certain nombre d’années plus tard dans son propre pays, à l’époque de la révolution auglaise. Le drame, qui dans sa perfection est un fruit tardif de toute culture, veut avoir son heure particulière.

Nous devons toutefois rappeler à ce propos quelques circonstances qui étaient certainement de nature à rendre plus difficile ou à retarder le développement de l’art dramatique en Italie jusqu’au moment où cette révolution n’était plus possible.

La plus importante de ces circonstances est incontestablement celle-ci : le besoin de spectacles, naturel aux peuples, trouvait à se satisfaire ailleurs qu’au théâtre ; les mystères et d’autres scènes religieuses suffisaient aux Italiens. Dans tout l’Occident ce sont précisément les représentations d’épisodes de l’histoire sainte dramatisés, de légendes mises en action, qui sont l’origine du drame

  1. Les poëtes dramatiques de circonstance flattaient suffisamment les différentes cours ou les différents princes.