Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

Sans méconnaître ce qu’il y a d’artificiel et de recherché dans les poésies de Pétrarque, tout en condamnant le poëte qui s’imite lui-même et brode indéfiniment sur un thème invariable, nous admirons chez lui nombre de charmants tableaux de sa vie intérieure, de ses joies et de ses tristesses ; ce sont bien des impressions personnelles qu’il retrace, parce que nul autre avant lui n’a rien chanté de pareil, et c’est là ce qui fait sa valeur aux yeux de la nation et du monde. L’expression n’est pas partout également transparente : souvent à l’or pur de sa poésie sc mêlent des éléments étrangers, des allégories savantes, des sophismes subtils ; mais, en somme, l’excellent et l’exquis l’emportent.

Boccace aussi, dans ses sonnets trop dédaignés [1], arrive parfois à peindre ses sentiments d’une manière saisissante au plus haut degré. Le plaisir de revoir des lieux sanctifiés par l’amour (soun. 22). la beauté mélancolique du printemps (sonn. 33). les regrets du poëte vieillissant (sonn. 65) ont été admirablement chantés par lui. Puis il a dépeint dans lAmeto la puissance de l’amour, de cette passion qui ennoblit et qui transfigure, avec un enthousiasme qu’on n’attendrait guère de l’auteur du Décaméron [2]. Enfin sa Fiammetta est un grand tableau psychique où se révèle l’observateur profond, bien qu’il soit inégal et que l’auteur sacrifie parfois à son goût pour les périodes bien arrondies ; la mythologie et l’antiquité y interviennent souvent aussi d’une façon malheureuse,

  1. Imprimé dans le t. XVI de ses Opere tolgarî. Sur ces sonnets, TOir M. Landaü, Georg. Boccaccio (Stuttg., 1877), p. surtout ressortir la dépendance de Boccace vis-à-vis de Dante et de Pétrarque.
  2. Dans le chant du berger Théogape, après la féte de Vénus, Opp. ed. Mouiier, vol. XV, 2, p. G7 SS. Comp. L-iNDAU, p. 58-64 ; sur la Fiammetta, voir Landau, p. 96-105, qui passe sous silence le passage dont nous parlons.