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jusqu’à quel point cela est vrai du développement de l’art chez d’autres peuples[1] et combien cette question est intéressante en somme. Il suffit que pour la culture italienne elle ait une importance décisive.

Laissons aux lecteurs de Pétrarque le soin de juger quelle est à cet égard la valeur de ce poëte. Celui qui I’étudie à la façon d’un juge d’instruction et qui s’évertue à rechercher les contradictions qui existent entre l’homme et le poëte, les amours qui semblent démentir la grande passion de sa vie et d’autres côtés faibles, celui-là n’aura pas, en effet, grand effort à faire pour ne plus trouver aucun plaisir à ses sonnets. C’est se priver d’une jouissance poétique pour la satisfaction de connaître un homme dans sa « totalité ». Il est regrettable seulement que les lettres de Pétrarque nous renseignent si peu sur les cancans d’Avignon, qui donneraient prise sur lui, et que les correspondances de ses connaissances et de leurs amis se soient perdues ou n’aient jamais existé, Au lieu de remercier le ciel de n’avoir pas à rechercher comment et au prix de quelles luttes un poëte a pu sauver ce qu’il y avait d’immortel dans son entourage et dans sa vie, on a réuni le petit nombre de « reliques » de ce genre que le temps avait respectées, et l’on a fait une biographie de Pétrarque qui ressemble à un acte d’accusation. Du reste, le poëte n’a rien à craindre ; pour peu que l’on continue encore pendant cinquante ans en Allemagne et en Angleterre à Imprimer et à mettre en œuvre des correspondances de gens célèbres, la sellette sur laquelle on a mis Pétrarque deviendra insensiblement le rendez-vous des gloires éclatantes.

  1. Les portraits de l’école de Van Eyck prouveraient plutôt le contraire pour le Nord. Longtemps encore ils restent supérieurs à toutes les descriptions phonétiques.