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peuples avaient possédé une forme conventionnelle de cette espèce, nous serions peut-être plus au courant de leur vie morale, nous aurions peut-être aussi une série de tableaux de situations extérieures et inténeures. nous retrouverions l’image fidèle de leurs sentiment et de leurs passions, et nous n’en serions pas réduits à cette prétendue poésie lyrique du quatorzième et du quinzième siècle qui est à peu près sans valeur sérieuse. Chez les Italiens on constate des progrès sûrs et continus presque à partir de la naissance du sonnet ; dans la seconde moitié du treizième siècle, les troubadours qu’un critique[1] vient d’appeler trovatori della tranzizione, forment en effet une transition des troubadours aux poëtes qui subissent l’influence de l’antiquité ; la simplicité la force des sentiments, le vigoureux dessin des situations, l’expression précise et énergique qui se remarquent dans leurs sonnets et dans leurs poëmes font prévoir l’avénement d’un Dante. Dans quelques sonnets politiques des Guelfes et des Gibelins (1260-1270) respire déjà la passion du grand poëte florentin, d’autres rappellent les accents les plus suaves de ses poésies lyriques.

La manière dont Dante lui-même entendait la théorie du sonnet nous est inconnue, uniquement parce que les derniers livres de son traité De la langue vulgaire, où il voulait parler de la ballade et du sonnet, n’ont pas été écrits ou se sont perdus. Mais nous avons de lui des sonnets et des canzoni qui sont d’admirables peintures de sentiments. Et quel cadre ne leur a-t-il pas donné. La prose de sa Vita nuova, où il rend compte des motifs qui lui ont inspiré chacun de ses poëmes, est aussi merveil-

  1. Trucchi, I, p. 181 ss.