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doute ceux qui s’expriment ainsi entendent parler d’un fait réel et positif ; mais ce qui est bizarre, ce qui est d’un autre âge, ce sont les termes dont ils se servent pour formuler leur opinion.

Ce sont les grands poëtes du quatorzième siècle qne nous voyons d’abord décrire librement l’homme moral. Si l’on recherche ce qu’il y a de mieux dans la poésie chevaleresque du douzième et du treizième siècle en général, on trouvera dans l’ordre moral une foule de descriptions remarquables, et l’on sera tenté tout d’abord de refuser sous ce rapport la palme aux Italiens. Même sans parler de la poésie lyrique, Gottfried de Strasbourg, par son poëme de Tristan et Iseult, livre à notre admiration un tableau de la passion où l’on rencontre des traits immortels. Mais ces perles sont disséminées dans un océan de choses conventionnelles et artificielles ; nous sommes encore loin d’une description complète et vraiment objective de l’homme intérieur et de sa richesse spirituelle.

Au treizième siècle, la poésie chevaleresque était représentée en Italie par les troubadours. Ce sont eux qui ont créé la canzone ; ils la composent aussi savamment, aussi laborieusement que les minnesingers du Nord leur chanson ; le contenu et même la suite des idées sont conformes aux traditions de la poésie de cour, lors même que le poëte est un simple bourgeois ou un savant.

Mais déjà se produisent deux faits qui annoncent un avenir nouveau propre à la poésie italienne, faits dont on ne doit pas méconnailre l’importance, bien qu’il ne s’agisse que d’une question de forme.

    avec le caractère de l’homme en général, voir dans Corn. Agrippa, De occulta philosophia, cap. LII.