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CHAPITRE III. — DÉCOUVERTE DE LA BEAUTÉ DE LA NATURE.


la fin du quinzième et an commencement du seizième siècle, ainsi que le développement de la poésie latine à la même époque, fournissent des preuves nombreuses de la forte impression que le spectacle de la nature faisait sur les poëtes ; il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur les poëtes lyriques de cette époque. Cependant on ne trouve guère de descriptions proprement dites de grands paysages, parce que la poésie lyrique, l’épopée et la nouvelle ont autre chose à faire dans ce siècle d’action. Bojardo et l’Arioste font des tableaux de la nature qui brillent par la netteté, mais qui sont aussi élémentaires que possible ; ils ne recherchent pas les effets de lointain, les grandes perspectives [1], car ils veulent intéresser surtout par les personnages et par les faits. Des auteurs de dialogues et des épislolographes habiles dans l’art des descriptions peuvent, mieux que des poëtes, être une source pour le sentiment croissant de la nature, Bandello, par exemple, reste fidèle par conviction aux lois du genre littéraire qu’il cultive : dans les nouvelles mêmes il ne dit pas un mot de plus que le strict nécessaire, quand il veut indiquer le cadre de ses récits [2] ; par contre, dans les dédicaces qui précèdent ses nouvelles, souvent il décrit avec complaisance le paysage comme fond des tableaux où il dépeint la vie sociale. Parmi les épistolographes il faut malheureusement nommer Arétin [3] comme étant celui qui, peut-être le premier, a peint avec une grande

  1. Le tableau le plus complet de ce genre se trouve dans l’Arioste ; son sixième chant se compose tout entier de premiers plans.
  2. Il ne pense pas de même des ornements de l‘architecture ; il veut décrire un luxe déterminé, et sous ce rapport l’art de la décoration peut s’inspirer de ses leçons.
  3. Lettere pittoriche, III, p. 36. Au Titien, mai 1544,