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CHAPITRE III. — DÉCOUVERTE DE LA BEAUTÉ DE LA NATURE.


globe, de même en ce qui concerne le paysage, Sylvius Ænéas fait autorité. Comme homme, on pourrait refuser toute valeur à Ænéas ; mais il n’en faudrait pas moins reconnaître qu’il est peu d’individus qui aient reflété d’uue manière aussi complète, aussi vivante, le temps et la culture intellectuelle d’alors ; il en est peu qui rappellent aussi bien que lui le type de l’homme de la Renaissance à son début. Du reste, même au point de vue moral, disons-le en passant, on ne l’appréciera pas à sa juste valeur, si l’on ne prend pour point de départ que les plaintes de l’Église allemande, privée de son concile grâce à sa versatilité [1].

Ici il nous intéresse comme le premier qui ait joui des splendeurs du paysage italien et qui les ait décrites avec enthousiasme jusque dans les moindres détails. Il connaissait surtout les États de l’Église et le sud de la Toscane (sa patrie) ; devenu pape, il profita de ses loisirs surtout pour faire, pendant la belle saison, des excursions et des séjours à la campagne. (Comp. plus haut t. I, p. 223 ss.) Maintenant du moins, cet homme, qui depuis longtemps souffre de la goutte, a le moyen de se faire transporter en chaise à porteurs par monts et par vaux, et si l’on compare les plaisirs de ses successeurs aux siens, Pie, qui aime par-dessus toutes choses la nature, l’antiquité, les constructions élégantes, quoique simples, apparaît comme un demi-saint. Il célèbre naïvement son bonheur dans le beau latin de ses Commentaires [2].

  1. On pourrait aussi admettre le témoignage de Platina, îv/æ Pontijicum, p. 310 ; Homo fuit (Pie II) verm, tnteger, apertus; nil habuil ficti, nil simulait, ennemi de l’hypocrisie et de la superstition, lou- rageux, conséquent avec lui-même* Comp. Voigt, II, p. 261 ss., et III, 724; maïs cet auteur ne fait pas, à proprement parler, le por¬ trait de Pie II.
  2. Les passages les plus importants sont Pu II P. M. CommentarU, I. IV, p. 183; le Printemps dans la patrie, l. V, p. 251; le Séjour à