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LA DÉCOUVERTE DU MONDE ET DE L’HOMME.


Fazio degli Uberti décrit dans sa cosmographie rimée [1] (t. 1, p. 219) la vue grandiose qu’on découvre du mont Alvernia ; il ne le fait, il est vrai, qu’avec l’intérêt du géographe et de l’antiquaire, mais il parle du moins avec la précision d’un lémoin oculaire. Il faut cependant qu’il ait gravi des sommets bien plus élevés, attendu qu’il connaît des phénomènes qui ne se produisent qu’à plus de mille pieds d’altitude, tels que les bourdonnements d’oreilles, l’alourdissement des paupières et les battements de cœur, que son compagnon mythique, Solmus, arrête ou diminue au moyen d’une éponge imprégnée d’une essence. L’ascension du Parnasse et celle de l’Olympe [2], dont il parle, ont sans doute été de pures fictions.

Au quinzième siècle, enfin, les grands maîtres de l’école flamande, Hubert et Jeau Van Eyck, trouvent tout d’un couple secret de la fidèle description de la nature. Le paysage, tel qu’ils le comprennent, n’est pas simplement le résultat des efforts qu’ils fout pour reproduire l’image de la réalité ; il a déjà une valeur poétique indépendante, une âme, bien que dans un sens restreint. L‘influence de leur exemple sur l’art dans les pays de l’Occident est incontestable, et c’est ainsi que la peinture de paysage en Italie n’y a pas échappé. Pourtant le goût éclairé des paysagistes italiens les préserve de l’imitation servile.

De même que dans la description scientifique du

  1. DUta»M»do, III, cap. IX
  2. Dittamondo, III, cap. xxi ; IV, cap. iv. — Papencordt, But. de la viiUde Rome, p. 426, dit que l’empereur Charles IV avait beaucoup de goût pour les beaux paysages, et il cite à l’appui Pelzel, Ckarle» IV, p. 456. (Les deux autres passages qu’il cite ne font pas mention de ce fait.) II serait possible que l’Empereur ait pris ce eoût par suite de ses rapports avec les humanistes. Comp. plus haut, t. I, p. 181, note 1. Relativement à l’intérét que Charles prenait aux discussions portant sur les sciences naturelles, voir H. friedjuno, p. 234, note i.